Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.
Pourquoi t’es célibataire? Tu dois être trop difficile. Fais-tu des choses pour rencontrer des gens au moins? Tu dois faire peur aux hommes. Es-tu ouverte? Tu dois trop vouloir et ça se sent. Es-tu sûre que tu n’es pas lesbienne? Change de style d’hommes. Tu sais que si tu veux des enfants, il faudrait que ça arrive bientôt? Tu ne laisses pas assez de chances aux hommes que tu rencontres. Tu ne baises pas à la première date, hein? Ne mets pas tous tes œufs dans le même panier : date plusieurs hommes à la fois.
Pourquoi suis-je célibataire? C’est la question que je me suis le plus posée au cours des 20 dernières années. À 37 ans et demi, je ne connais toujours pas la réponse. Je me suis même mise à haïr la question, car elle implique une réponse qui expliquerait mon célibat. Après toutes ces années, je me suis mise à penser que c’était de ma faute. Parfois, j’ai envie de répondre que ça doit être parce que je suis niaiseuse, pas assez cochonne ou tout simplement pas aimable. Je n'ai pas le goût de me poser cette question-là, car je ne suis pas certaine de vouloir connaître la réponse, mais en même temps, ça me permettrait probablement de trouver une solution.
Le fait d’être encore seule est le plus grand échec de ma vie à ce jour. J’ai réussi presque tout ce que j’ai entrepris. J’ai appris que lorsque l’on met les efforts nécessaires et que l’on persévère, on peut tout faire et tout avoir… Hey boy, la claque dans face, la culpabilité, la honte d’être encore célibataire. Malgré tous les efforts, pourquoi suis-je donc toujours seule?
La réalité, c’est que j’ai daté plus que la majorité des gens que je connais (et de loin!), je suis sortie de ma zone de confort au moins mille fois pour rencontrer des gens, j’ai été sur une multitude de sites de rencontres, j’ai fait plein d'activités et de sorties dans l’espoir de rencontrer quelqu’un. J’ai fait des thérapies pour comprendre ce qui clochait chez moi et ce qui m’empêchait de cliquer avec quelqu’un, mais surtout pour tenter de comprendre pourquoi je ne pouvais pas être aimée. J’ai travaillé sur moi en maudit pour ne pas être cette personne anxieuse qui a donc besoin d’être aimée (comme si c’était un besoin anormal!). J’en ai fait des affaires ésotériques : rencontres avec des voyantes, consultations avec une naturopathe pour travailler mon « projet de vie », séances de brûlage de sauge pour attirer les bonnes énergies et j’en passe! J’ai investi bien trop de temps, d’argent et d’énergie auprès d’hommes qui ne le méritaient pas. J’ai suivi les conseils de toutes ces personnes bienveillantes qui pensent avoir la solution à ce problème qu’est mon célibat : j’ai eu l’esprit ouvert et j’ai donné la chance à plusieurs (quitte à fréquenter des hommes plutôt louches), je me suis efforcée d’adoucir mon caractère de leader (mais le naturel revient vite au galop!), j’ai appliqué toutes les « supposées » règles de séduction (ne jamais faire les premiers pas pour embrasser un homme et surtout pas de relation sexuelle le premier soir, sinon tu passes pour une cochonne!), etc. J’ai pris bien des pauses aussi pour ne pas devenir complètement folle : des pauses de dating, des pauses de penser à mon célibat ou d’en parler, des pauses à essayer de ne plus vouloir être en amour, à essayer de ne plus vouloir sentir ce vide. À la longue, j’en suis même presque arrivée à me convaincre que finalement, j’étais au dessus de ça, l’amour. Que j’étais vraiment bien toute seule, à l’aise avec l’idée de vivre ma vie sans amour, sans avoir personne à qui me confier le soir sur l’oreiller, personne d’autre que ma mère comme contact d’urgence, personne avec qui planifier une vie...
La vérité, c’est que j’ai échoué. À 37 ans et demi, je me retrouve devant un des plus grands vides existentiels que je n’ai jamais vécu. Le deuil d’avoir une famille devient une possibilité de plus en plus grande. L’espoir de trouver l’amour devient tellement mince que ça me fait mal. C’est con parce que j’ai tout pour être heureuse : une famille aimante et qui me soutient, des ami.e.s. formidables qui ne me jugent pas et qui sont aussi d’un soutien incroyable, une carrière que beaucoup pourraient envier, assez de moyens financiers pour être propriétaire et voyager pas mal. Je me hais de m’entendre me plaindre de ne pas trouver l'amour, après tout, je n'ai besoin de personne! Le fait d'être indépendante est mon objectif personnel parce que quand on est célibataire à 37 ans, la dernière chose que l’on veut (ok, que je veux) c’est de quêter l’aide des autres. Parce que si je dois avouer que j’ai besoin d’un.e membre de ma famille ou d’un.e ami.e pour faire X chose, c’est dire haut et fort que je suis seule et là, ça devient vrai. Là, la solitude frappe. Fort. Dans le fond, là où j’ai échoué, au-delà de trouver l’amour, c’est d’apprendre à vivre avec ma solitude. Pas la solitude d’aller au cinéma, ou au resto ou en voyage toute seule. Non, la solitude d’avoir une personne spéciale, ma personne spéciale, sur qui je peux compter et à qui je peux me montrer vulnérable. Mon échec est là : je ne sais pas gérer la solitude.
Il y a quelques années, j’aurais écrit ce texte avec une trame de fond féministe bien sentie (je suis toujours féministe et fière de l’être en passant!) : c’est cool d’être seule et indépendante, le bonheur ne passe pas par les relations amoureuses, ma vie est hyper intéressante sans homme, le célibat ne me définit pas… Hey boy! Si mon célibat ne me définit pas, il est tout de même mon compagnon le plus fidèle des dernières années. Et à 37 ans et demi, je n’ai plus la capacité ni l’envie de dire que je suis au-dessus de l’amour et que je n’ai pas mal d’être seule. Je n’ai plus le luxe du déni. Ça m’a rattrapé.
D'autres témoignages sont disponibles dans le dossier « Célibat. Vers une redéfinition positive ». N'hésitez pas à consulter le dossier en entier pour en connaitre plus sur cette réalité.
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