Unsplash/Laura Chouette - Photo modifiée par Les 3 sex*

Témoignage • Sexologues sous le spotlight

11 mai 2020
Julie Lemay | M.A. Sexologie clinique (UQAM), recherchiste télé, chroniqueuse radio et web
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Le texte ci-dessous provient de la revue Avant-garde de Les 3 sex* publiée en version papier en avril 2019 puis en version électronique en mai 2019. Pour obtenir plus d'informations sur la revue ou pour vous la procurer, cliquez ici

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Reconnaissance! Champagne! Showbiz!

Livrer une chronique sexologique peut sembler très facile et très glamour ; après tout, il ne suffit que d’avoir accès à une tribune! « Donnez-nous un micro et nous vulgariserons toute notion de façon ô combien naturelle ». « Offrez- nous de collaborer à un magazine et nous rédigerons poétiquement telle une Carrie Bradshaw qui can’t help but wonder! ».

Si seulement...!

Si seulement c’était si simple.

Rectifions.

Travailler dans les médias en tant que sexologue demande beaucoup de créativité et une forte capacité d’adaptation. C’est intellectuellement stimulant, c’est socialement valorisé et valorisant, mais chose certaine, ce n’est ni facile ni glamour.

Trouvera, trouvera pas ce qui va, ce qui ne va pas.

Commençons par quelques exemples.

Niveau télévisuel, pensons à des concepts d’émissions où des vedettes échangent sur un thème en sirotant un p’tit café, en présence d’une professionnelle. Qui s’exprimera davantage sur le sujet? La vedette partageant l’anecdote personnelle ou la professionnelle proposant des réflexions basées sur des faits documentés?

Sortez le chronomètre, les paris sont ouverts!

Autre obstacle potentiel? À l’oral comme à l’écrit, il est possible d’être victime d’un montage maladroit ou malhonnête puisque le contenu est souvent révisé par une équipe d’édition ou de production. Ça peut donner lieu à des collaborations hyper stimulantes où l’on apprend à adapter nos propos à un auditoire cible sans que les fondements en soient affectés (yeah), mais ça peut aussi aboutir à des histoires décevantes de révisions imposées déconstruisant un contenu à grands coups de « sensationnalisme » (ouch).

Leçon?

On a beau faire preuve de vigilance et être habité.e par la meilleure volonté du monde, intervenir dans les médias comporte son lot de défis et implique rarement un plein contrôle sur le produit final.

Ce qui m’amène ici à poser une grande question : en tant que sexologues, quel regard portons-nous sur la représentation de notre profession dans les médias? Est-ce qu’elle renforce notre sentiment d’identification à la sexologie? Sommes-nous sévères? Indulgent.e.s? Fièr.e.s? Pas fièr.e.s?

Savoir être vite sur ses patins

Je m’en confesse, il fut un temps où j’étais moi- même atteinte du syndrome « j’aurais clairement fait mieux! ». N’étant alors pas consciente de toutes les variables influençant la livraison d’un contenu sur la place publique, je me bombais le torse telle une petite Kanye West en présumant que je pourrais fort possiblement être plus adéquate que mes comparses.

Par contre, une fois qu’on quitte la position de gérant.e d’estrade, on comprend rapidement que d’intervenir dans les médias à titre de professionnel.le se compare finalement à une performance de patinage artistique : ça se pratique sur un terrain somme toute glissant, les gens doivent percevoir la grâce et le naturel dans l’exécution sans que l’entraînement et la préparation exigeante transparaissent et, oui, on peut se planter. On doit se relever et continuer en persévérant avec rigueur.

Quand on agit à titre de sexologue dans les médias, on représente non pas soi-même-à- titre-de-soi-même, mais bien notre profession. 

Il y a un lot de responsabilités qui vient avec ce privilège. Lorsqu’on présente un contenu à jour et appuyé par la littérature, on peut se permettre plus de latitude au niveau de la livraison.

Et là, le fun commence!

Personnellement, je me permets d’opter pour un style d’écriture plus près de l’oralité, j’utilise l’humour comme moyen de réflexion et j’assume mes multiples références à la culture pop. Tout est réfléchi, tout est une question d’équilibre et rien n’est laissé au hasard. Ça demande beaucoup de travail.

« Savoir scorer »

Cette indispensable rigueur, elle se retrouve donc à travers le traitement des thèmes qu’on choisit d’aborder et à travers ceux qu’on choisit... de ne pas aborder.

« Nous aimerions avoir votre opinion sur le scandale des prêtres accusés d’agression sexuelle en Illinois, et ce, dans 30 minutes s’il vous plaît! »

« Pouvez-vous nous parler des contenus en éducation à la sexualité produits par le ministère de l’Éducation? »

« Nous aimerions en savoir plus sur les impacts de la PrEP! »

Dans les médias, on a tendance à considérer qu’un.e sexologue maîtrise tous les sujets liés à la sexualité, ce qui est erroné. Faire preuve de professionnalisme, c’est de savoir dire non en reconnaissant humblement ses limites, savoir se référer ou s’entourer d’expert.e.s-conseils qui sauront nous orienter dans notre mandat. À mon sens, il est ainsi fondamental de bénéficier d’un solide réseau de contacts et de savoir passer la puck aux collègues qui se spécialisent dans certains sujets pour compter des buts ensemble.

Conséquemment, cette façon de faire crée de l’espace pour permettre à une multitude de voix de s’élever.

Comme sexologue, nous ne convergeons pas nécessairement vers une identité professionnelle standardisée et, en toute modernité, il me semble plus que souhaitable d’offrir des modèles alternatifs au référent « tailleur – pratique privée » qu’on peut associer à notre domaine.

Bien qu’il n’y ait certainement rien de mal à correspondre à cette image, ce qu’on témoigne par une plus forte présence médiatique, c’est qu’il n’y a pas une seule bonne façon d’être sexologue. Et ça, c’est plus que positif!

On peut se démarquer en faisant preuve de créativité dans nos rédactions, en s’investissant dans de stimulantes heures de recherches et en trouvant de l’inspiration à travers toutes ces merveilleuses rencontres qu’on fera avec des gens de différents horizons.

Entrer en contact avec une multitude de personnes en espérant les amener, en bout de ligne, à aimer mieux et à s’aimer mieux dans toute leur complexité et en toute diversité : c’est tu pas beau ça, comme mission professionnelle!? Sortez les projecteurs, ça mérite bien un peu de lumière!

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