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Témoignage • Elle pleurait parce qu'elle souffrait

6 mars 2018
La frileuse
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de l'organisme.

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L’autre jour, elle a éclaté en sanglots dans le bureau de sa psy. Parce qu’elle se sentait incapable de se laisser aller avec un gars, d’embrasser, de toucher, etc.

Parce que tout autour d’elle lui propose qu’elle devrait être capable de le faire. Elle a éclaté en sanglots, parce qu’elle sentait qu’elle n’avait pas le choix de se laisser aller… Un peu sans son consentement.

Parce que, combien de temps un homme attendra-t-il qu’elle soit prête à se mettre à nu? À se laisser toucher l’épaule, les seins… à laisser une main descendre plus bas alors que son cœur bat la chamade et que sa tête lui hurle de s’enfuir en courant.

Combien de temps un homme attendra-t-il qu’elle soit prête à le toucher, lui ? À lui faire plaisir… À lui faire ce que toutes les filles font : le sucer.

Elle pleurait peut-être parce qu’elle se met un peu de pression aussi, parce qu’elle aimerait être normale. Elle s’est sentie différente toute sa vie.

Cette fille a un problème d’acceptation. Elle est incapable d’accepter que les humains soient comme ça : ils aiment faire l’amour. La fille aimerait ça, aimer ça… Elle aimerait essayer du moins, sauf que ça la fait capoter.

Déjà qu’elle a toute la misère du monde à se masturber sans avoir honte, sans se sentir comme un objet.

La fille n’est plus vierge, mais pas parce qu’elle l’a décidé. Elle n’est plus vierge depuis qu’elle a 7 ans.

La fille avait donné son consentement, sans savoir qu’il n’était pas valide. Sans savoir à quoi elle consentait.

Aujourd’hui, elle a peur. Elle a la chienne de rencontrer, d’embrasser, de se faire toucher, de faire confiance... Elle a une phobie de la sexualité.

Parfois elle la trouve profondément dégueulasse, la sexualité. Parce qu’elle lui a fait mal une fois, elle va nécessairement lui faire mal une autre fois.

Chaque fois qu’elle se masturbe, elle revoit le gars qui la viole, au-dessus d’elle.

Pis elle se demande en quoi la sexualité peut être belle… En quoi elle peut être plaisante.

Parce que chaque fois qu’elle se masturbe, elle se sent toujours un peu plus sale qu’avant.

La fille est découragée par la complexité d’une relation amoureuse. Elle veut surtout être normale et avoir quelqu’un dans sa vie. Elle a besoin de comprendre et de croire en un monde où la sexualité est belle, intime et a un sens. Elle a besoin de croire qu’il y en aura un, un homme qui ne partira pas en courant lorsqu’elle lui dira qu’elle a terriblement peur. Un homme qui apprendra à la connaître et à l’aimer avant d’apprivoiser son corps.

J’ai 22 ans et je suis cette fille-là, une fille qui se sent comme une fillette chaque fois qu’elle parle de sexualité, de l’agression. Chaque fois que je dis à une de mes amies ce qui m’est arrivé enfant, celles-ci répondent qu’elles n’auraient jamais cru qu’une telle souffrance m’habitait. Parce que tsé, je joue bien le jeu. Je ris des jokes de sexe, je comprends les allusions qui sont omniprésentes dans notre société. Pourtant, cette souffrance, elle est bien là.

Dans le fond, je pleurais parce que c’est souffrant de vivre avec un viol qui est constamment là.

Parce que le lieu du crime, c’est ton corps.

Et parce que plus je vieillis, plus l’espoir de trouver l’amour et une sexualité saine s’estompe.

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