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Témoignage • Études en sexologie : anxiété de performance au rendez-vous

2 octobre 2018
Boucles d'or
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de l'organisme.

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J’ai toujours été une personne perfectionniste, compétitive et anxieuse. J’ai traîné avec moi ces descriptifs dès mon enfance. Ma mère m’a raconté une fois que lorsque j’avais environ six ans, je « m’amusais » à retranscrire les mots du dictionnaire pour pratiquer mon écriture. Si ce n’était pas assez bon à mon goût, je tapais mes propres mains pour me punir…

Ouin, je sais… Ça sonne complètement fou.

Malgré ma tendance personnelle vers la performance, je n’étais pas particulièrement axée sur mes notes scolaires durant mes études secondaires. Pourtant, mon école était un environnement favorable pour me faire ressentir de la pression puisque j’étais dans un programme d’éducation internationale contingenté avec plein de personnes brillantes. C’était probablement parce que j’avais d’autres chats à fouetter… comme gérer l’apparition de mon trouble d’anxiété, quelques épisodes dépressifs et, à l’occasion, des pensées suicidaires dès l’âge de 14-15 ans. Rien de moins.

Au CÉGEP, mon anxiété de performance était sous contrôle. J’avais définitivement des meilleures notes qu’au secondaire, mais j’avais une certaine distance par rapport à mon parcours scolaire. L’école représentait une sphère de ma vie parmi tant d’autres. J’espérais seulement avoir les notes nécessaires pour entrer dans le programme universitaire que je n’avais même pas encore choisi. En parallèle, ma santé mentale allait un peu mieux aussi. Ça aidait d’avoir un entourage familial et amical présent.

Mon état psychologique s’est vraiment détérioré à mon arrivée à l’université. Comme on dit si bien : «Shit hit the fan ».

Au départ, j’étais paralysée par tous les choix d’adulte que je devais faire afin de décider ce que je voulais faire de ma vie. Ça sonne gros, je sais.

Avec le temps, j’ai compris qu’on peut toujours changer de direction dans notre vie, mais à ce moment-là, j’avais l’impression d’avoir le sort des 40-50 prochaines années de ma vie sur mes épaules.

Je n’arrivais pas à trouver ma place dans le monde des études supérieures. J’ai changé de baccalauréat à multiples reprises. Cette incertitude me causait beaucoup d’anxiété et un grand sentiment d’impuissance. Pour gérer ce trop-plein de pression et d’émotions, j’ai développé un trouble alimentaire durant cette période de ma vie.

À la suite de tout ça, j’ai pris du temps pour me relever de cette épreuve difficile et pour chercher ce qui me passionnait afin de donner une certaine direction à ma vie. En regardant les options de baccalauréat de différentes universités, je suis retombée sur la sexologie. Je dis « retombée » parce qu’à la sortie du CÉGEP, la sexologie avait attiré mon attention. Cependant, à cette époque-là, je n’étais pas prête à déménager dans une autre ville loin de mon amoureux, de mes ami.e.s et de ma famille.

Ainsi, du haut de mes 21 ans, j’ai pris la décision de venir à Montréal pour étudier la plus belle discipline du monde : la sexologie. Le changement fut rough si je peux me permettre. J’aimais beaucoup mes cours, mes enseignant.e.s, l’UQAM… mais on dirait que la petite fille de six ans qui se frappait les mains pour se punir de ses « erreurs » était de retour… pis elle était sur les stéroïdes. L’image est un peu drôle, mais c’est vraiment comme ça que je me sentais.

J’étais hors de contrôle. J’étais obsédée par le fait de remettre des travaux parfaits : une note en bas de 90 % était inacceptable. J’apprenais toutes mes notes de cours par cœur pour mes examens. Les nuits blanches ne m’étaient pas étrangères, comme plusieurs élèves en sexologie. C’était la norme. C’était valorisé. J’allais voir mes enseignant.e.s, paniquée, quand il y avait une petite affaire pas importante que je « comprenais un peu moins bien ».

Je me pognais avec les autres membres de mes travaux d’équipe parce que je n’étais jamais satisfaite de leur section. J’étais tellement obsédée que j’ai déjà passé un bon 15 minutes à m’obstiner avec une de mes coéquipières pour déterminer si on devait mettre une virgule dans une phrase. Plus d’une fois, j’ai changé des sections de mes collègues à la dernière minute, car le travail n’était pas acceptable selon mes standards irrationnels. Un travail d’équipe a même failli briser une amitié. Pour vrai, maintenant, je suis capable de dire que j’étais vraiment la pire coéquipière avec qui faire des travaux.

L’école avait pris toute la place. Mes notes et ma performance étaient les seules choses qui me donnaient de la confiance en moi et qui importaient. Si j’avais moins bien performée, selon mes standards trop élevés, c’était la fin du monde et mon estime de moi était affaiblie.

Tout d’abord, je dirais que quand je suis entrée en sexologie, il y avait une grosse culture de performance véhiculée tant par les étudiant.e.s (dont moi-même), que par le milieu enseignant et le département. Dans un des premiers cours de la première session, on nous parlait déjà de la maîtrise et des hautes notes nécessaires pour y entrer. J’avais l’impression que la maîtrise était souvent plus valorisée comme objectif professionnel que l’obtention seule du baccalauréat. Je vous dirais que ça donne le ton assez vite à notre parcours universitaire.

Chaque fois qu’on recevait nos résultats, on sentait qu’il y avait une atmosphère de compétition entre les élèves qui avaient bien « performés » et ceux et celles qui avaient des notes « moins bonnes ». Quelques étudiant.e.s refusaient de partager leurs notes à d’autres qui n’avaient pas pu assister aux cours pour une raison ou une autre.

Toute cette culture de performance explique en partie que nos moyennes de classe étaient élevées (dans le haut des 80 %), ce qui faisait en sorte que les personnes qui avaient des bonnes notes se retrouvaient quand même parfois en dessous de la moyenne. Je voyais des étudiant.e.s avoir honte d’une note dans les 70-80 %, ce qui est complètement fou en rétrospection. Je connais aussi quelques étudiant.e.s qui ont pensé lâcher le baccalauréat à force de ne pas se sentir à leur place dans cette atmosphère de compétition.

Eille, la sexologie c’est une science humaine axée sur l’empathie, la compréhension et les forces de chacun. C’est supposé mettre de l’avant les valeurs d’acceptation, de respect et de dignité humaine. Pourrions-nous davantage appliquer ces principes à nos étudiant.e.s, nos professeur.e.s et le département?

Heureusement, dès la deuxième année de mon parcours en sexologie, l’atmosphère de compétition s’est atténuée et il y avait davantage un sentiment d’entraide et de camaraderie entre les étudiant.e.s. Je crois que c’est en partie parce que plusieurs personnes qui avaient pour objectif d’aller à la maîtrise avaient changé d’avis : elles ressentaient donc moins de pression concernant les notes scolaires. De mon bord, j’ai aussi calmé la perfectionniste en moi afin de lâcher prise parfois sur des éléments peu importants et d’entretenir des relations prospères avec mes collègues.

Au-delà de tout ça, ce que j’aimerais dire aux nouveaux étudiant.e.s ou aux personnes qui ont de la difficulté à se défaire de cette anxiété de performance, c’est ceci : voir des gens de mon entourage sincèrement brillants et passionnés « moins bien performer » dans les examens ou travaux a remis en perspective ma définition de ce que veut dire le terme « compétent ». Avant, je pensais à tort que la performance scolaire représentait le niveau de compétence d’une personne. Il est évident que la compétence peut parfois être mesurée à travers les exigences universitaires. Cependant, l’évaluation de celle-ci doit aller au-delà de la simple connaissance. Les attitudes, les intuitions, les pratiques sont tout aussi importantes que les connaissances et la performance scolaire. Pis ce qu’il y a de beau là-dedans, c’est qu’on a toute notre vie pour développer nos compétences. On n’a pas à être bon à la seconde où on apprend quelque chose. Donnons-nous du temps. Soyons compréhensif et compréhensive envers nous-mêmes. Contribuons ensemble à créer un environnement stimulant et empathique et transmettons cette façon de voir à nos collègues, nos enseignant.e.s, notre département et notre école.

Pis au final, l’école c’est juste une partie de votre vie qui ne définit pas tout ce que vous êtes. L’équilibre, surtout à l’université, c’est crucial pour pouvoir apprécier (dans la mesure du possible) votre parcours universitaire.

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