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Témoignage • Chronologie d'une révolution

5 décembre 2017
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de l'organisme.

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*** Ce texte ne vise pas à donner un portrait objectif des événements s’étant déroulés au sein de la discipline sexologique. Il s’agit d’un témoignage personnel qui vise à exprimer une expérience hautement subjective.***

 2015. Austérité libérale. Grève votée par l’AFESH1. Le département de sexologie entraîné.

En 2012, finissante au baccalauréat en histoire, je me rappelle assister aux assemblées générales de l’AFESH. Nous regardions les « carrés verts » se lever et venir ouvertement s’exprimer sur leur droit d’assister à leur cours : « clairement une étudiante en sexologie », chuchotions-nous.

Les étudiant.e.s en sexologie avaient, à l’époque, la réputation d’être particulièrement conservateurs. Les moutons noirs des cercles militants des sciences humaines. 

ANNÉE 1 : La grève de l’hiver 2015

 Après avoir tergiversé entre la fin de mon baccalauréat en histoire et une tentative de maîtrise, j’arrive en sexologie. De centriste modérée, que l’on critique pour sa neutralité politique, je deviens une militante radicale semi-communiste. Mêmes opinions, nouveau milieu.

La grève est votée. D’abord par l’AFESH, et de façon surprenante, elle est confirmée par l’AEMS2.

Avec des collègues en sexologie, nous nous mobilisons. Nous sommes une dizaine à faire la tournée des classes pour faire respecter les levées de cours. Surprise. Les cours sont désertés. Deux-trois étudiant.e.s, parfois une dizaine.

Pas si vite.

Des étudiantes nous contactent. Elles sont en deuxième et en troisième année. Elles ne réussissent pas à lever les cours. : « on a peur de couler nos cours». Les demandes se multiplient.

On prend à coeur notre nouveau rôle de secouriste.

Des gardes de sécurité devant les portes. On persiste. On entre dans les classes. Les cours sont pleins à craquer. Regards noirs de nos aîné.e.s académiques. Des soupirs, des insultes. Elles ne nous connaissent pas, mais elles nous haïssent .

Débalancements, tensions.

En même temps, une pétition contre la représentativité de l’AFESH est lancée. Initiée par un étudiant de troisième année, parait-il. Peu de surprise. Si L’AFESH n’est pas légitime, la grève non plus. Bonne stratégie, il faut l’avouer.

Fossé immense.

« La nouvelle cohorte est vraiment revendicatrice », chuchoteraient les professeur.e.s.

ANNÉE 2 : Les minorités rouspéteuses du printemps 2016

Crise au département de sexologie de l’UQAM. Un article, paru alors dans le journal de l’AFESH, puis cité par Judith Lussier dans le journal Métro, critique vivement la sexologie et, surtout, la façon dont elle est enseignée.

Le devoir de neutralité de la sexologie est remis en doute. Cette même « neutralité » expliquerait l’abandon du baccalauréat pour plusieurs anciens et anciennes étudiantes en sexologie.

Paternaliste, hétérosexiste, et surtout, non critique. C'est ce qu'on dit de la sexologie.

Les minorités rouspéteuses ne font pas des heureux, et pas plus des heureuses.

Pourtant, dans ma cohorte, maintenant en deuxième année, la majorité semble accueillir cette critique avec soulagement : « Enfin, elles ont mis des mots sur nos malaises », chuchote-t-on.

Même son de cloche de la part des nouvelles premières années. Mon cercle est biaisé, aucun doute. Néanmoins, un vent de changement dans l’air. Quelque chose de différent qui ne passe plus inaperçu. Notre minorité devient majorité ?

Le comité diversité du département de sexologie est créé. Une victoire. Le geste est politique pour beaucoup d’entre nous.

Des rumeurs fuitent : « Paraît que les premières années sont vraiment rough, elles remettent en doute tout ce que disent les profs »

« La nouvelle cohorte est vraiment revendicatrice », chuchoteraient les professeur.e.s.

ANNÉE 3 : La réforme du Bac de l’hiver 2017

Réforme du Baccalauréat : « La diversité occupera une place transversale dans l’ensemble du programme » annonce l’UQAM.

Étudiante contestataire (radicale et semi-communiste – ne l’oublions pas), j’ai moi-même fait partie du processus de réforme du baccalauréat. Poussant pour une vision plus critique, internationaliste de la sexologie, en opposition avec une vision que je considérais faussement objective et québécocentriste de la discipline.

Les gens étaient à l’écoute. Enfin, je le pense.

Une chance parce qu’il: « Parait que la nouvelle cohorte est vraiment revendicatrice »

ANNÉE 4 : Les contestations de l’automne 2017

Une formation d’Yvon Dallaire, par l’Association des sexologues du Québec, est fortement critiquée. On l’accuse de masculinisme, d’essentialisme, de sexisme. Pourtant, M. Dallaire est un habitué des formations et des conférences. Pourquoi maintenant ?

Les mal-baisées, groupement féministe au nom délectable, est le premier à réagir fortement. « Inacceptable » disent-elles.

Quand est-ce que le collectif a été créé ? En 2015.

Par quelle cohorte ? À votre avis ?

Si on se fie à la page Facebook de l’Association des sexologues du Québec, elles ne sont pas seules. Chaque commentaire publié reçoit plus d’une dizaine de likes et de coeurs.

De qui ? Principalement par des étudiant.e.s ou des sexologues des cohortes des quatre dernières années, mais aussi par des sexologues ou des étudiant.e.s plus âgés. Orphelins et orphelines politiques des années passées ?

Tout ça en quatre ans.

 Vive impression de vivre la naissance d’un nouveau courant sexologique. Un courant qui gagne en vigueur. Porté par un ramassis de jeunes sexologues, et de moins jeunes, qui enfin, ne sont plus isolé.e.s.

La sexologie, neutre ? Très peu pour nous. La sexologie, politique ? Oui. Tout simplement.

Je n’ai pas encore entendu de rumeurs sur la nouvelle cohorte, mais je me doute qu’elle doit être vraiment revendicatrice.

1. Association étudiante facultaire des sciences humaines de l’UQAM

2. Association Étudiante Modulaire de Sexologie de l’UQAM

révolution, sexologie, rébellion, remise en question, mobilisation, politique, questionnement, statut quo, lutte

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