Cet outil didactique, s’inscrivant dans le projet « Outiller les jeunes face à l’hypersexualisation », est un document bien structuré et particulièrement aidant pour les professionnel.le.s souhaitant animer les divers ateliers proposés. Il offre aussi une grande variété de vidéos pouvant être présentées aux jeunes, vidéos qui varient dans leurs façons d’aborder les thématiques de la sexualité, de l’intimité et des relations amoureuses, laissant la discrétion aux intervenant.e.s de sélectionner celles qui correspondent davantage aux besoins de leur groupe de jeunes.
Quelques limites doivent cependant être soulevées. Dans un premier temps, tout au long du document, il y a une prédominance de l’utilisation du féminin et du masculin; une vision binaire de l’identité de genre est prônée, on parle de « garçons » et de « filles » au lieu d’utiliser un langage épicène tel que le terme « jeunes ». En outre, malgré le fait que quelques vidéos et mises en situation impliquent des jeunes de la diversité sexuelle, il y a une prédominance de l’hétérosexualité dans les activités et les représentations des relations. Ensuite, tout au long du document, malgré le fait que cet outil didactique vise à développer le jugement critique des jeunes, il défend à quelques reprises des idées arrêtées. Par exemple, une forte association est effectuée entre « l’intimité sexuelle » et « l’intimité émotionnelle », où il est fortement conseillé aux jeunes d’avoir des relations sexuelles lorsqu’il y a des sentiments en jeu ou un certain engagement. Voici des exemples de contenu pour appuyer cette critique :
« Il est souvent plus agréable et sécurisant d’explorer sa sexualité avec une personne avec qui on a pu développer une intimité émotionnelle avant de développer une intimité sexuelle. Autrement dit, si tu n’es pas capable de regarder l’autre dans les yeux et de te sentir bien, c’est signe que tu n’es peut-être pas prêt(e) à poser un geste sexuel avec cette personne. » (p. 269)
« De même, en principe, c’est avec une personne dont on est amoureux ou amoureuse ou une personne en qui l’on a confiance et auprès de qui on se sent bien, que l’on décide de partager des baisers intimes ou des gestes sexuels (intimité sexuelle) ». (p. 363)
Ensuite, l’engagement et la fidélité sont des composantes relationnelles prônées auprès des jeunes, au détriment des autres formes de configurations relationnelles. Par exemple, il est indiqué dans une mise en situation que les relations de type « fréquentation » comportent des inconvénients, tels que :
« Ne pas atteindre l’intimité émotionnelle que l’on retrouve habituellement dans une relation « plus sérieuse ». Ne pas avoir le même type d’échanges avec des « partenaires de courte durée » qu’avec une « amoureuse ». Ne pas vivre le plaisir qu’apporte une relation amoureuse où les deux s’engagent clairement. Utiliser les autres pour son bien-être personnel et risquer de les blesser en leur laissant croire qu’on s’intéresse vraiment à elles. Risquer d’avoir la réputation « d’utiliser » les filles : « macho », « player », etc. » (p. 151).
Il est ensuite indiqué :
« S’ENGAGER, c’est décider de créer un lien spécial avec quelqu’un qui partage nos valeurs (ex. : être en couple). À l’âge adulte, cela peut vouloir dire bâtir un projet commun (ex. : vivre ensemble, avoir des enfants). » (p. 152)
« La FIDÉLITÉ correspond à une forme d’engagement. Elle indique une volonté de démontrer à l’autre qu’il ou qu’elle est préféré(e) à tous les autres, qu’il ou qu’elle est unique. » (p. 152)
Il est absolument possible de développer un lien spécial avec d’autres individus et de démontrer à d’autres personnes qu’elles sont uniques sans s’engager. Ainsi, ces affirmations renforcent la croyance selon laquelle seules les relations amoureuses sont de « vraies relations », stigmatisant les autres configurations relationnelles pouvant impliquer ou non de la sexualité.
En outre, à plusieurs reprises, il est conseillé aux jeunes de faire preuve de pudeur. Plus précisément, l’importance d’attendre avant de se dévoiler est soulignée, que ce soit au niveau émotionnel ou sexuel, afin de ne pas faire l’objet de jugements ou pour ne pas vivre de mauvaises expériences. Malgré le fait que ces affirmations visent à protéger les jeunes, elles déposent une certaine responsabilité sur ces derniers ou dernières si leurs photos ou leurs informations intimes deviennent publiques ou sont la cible d’humiliations :
« Ne pas oublier également que de dévoiler son intimité nous expose au regard et au jugement des autres. Et les autres peuvent ne pas toujours être tendres à notre égard (ex. : moqueries, humiliation publique). Dans ces cas-là, on se sent dévalorisé(e) voire blessé(e). Cela atteint notre estime de soi. D’où l’importance de respecter sa pudeur et de se donner du temps avant de se révéler ainsi. » (p. 364)
« Pour protéger son intimité, on doit faire preuve d’un minimum de pudeur. La pudeur peut être ressentie différemment d’une personne à l’autre, dépendamment de l’âge, des valeurs, de la culture, etc. Dépasser les limites de sa pudeur peut nous rendre plus vulnérable. L’idée principale à se rappeler est que certaines informations doivent être protégées (on les garde pour soi ou on les partage à un très petit nombre de personnes), puisque cela fait référence à l’intimité. » (p. 241)
« La pudeur (ou être pudique), c’est être discret ou discrète par rapport à certains aspects de son intimité ou, autrement dit, « se garder une petite gêne ». La pudeur, ce peut être aussi le fait de ne pas vouloir raconter des choses très personnelles et privées à des gens que tu connais peu ou depuis peu de temps. Par contre, de nos jours, les médias sociaux laissent croire qu’il faut faire tout le contraire, c’est-à-dire tout raconter et tout montrer. Pourtant, la gêne peut parfois nous protéger et nous rendre moins vulnérable, puisque l’on s’expose moins facilement. De plus, une certaine timidité, ça peut être charmant, puisque ça donne envie d’en apprendre davantage sur l’autre. » (p. 259)
« C’est la raison pour laquelle, il est souvent préférable de se donner du temps avant de partager son intimité sexuelle avec l’autre personne. La confiance et le respect lorsqu’ils sont présents font en sorte que les confidences et les moments d’intimité partagés demeurent entre les deux personnes et ne font pas l’objet d’indiscrétion, de mauvaises blagues ou de rumeurs désobligeantes par la suite. Le temps : notre meilleur ami. » (p. 242)
Ainsi, malgré le fait que des valeurs essentielles sont prônées à travers les ateliers telles que le respect, le consentement et l’authenticité, nous décelons certains manques de nuances à certains endroits. Il est important de ne pas renforcer une seule vision de la sexualité et des relations amoureuses, et ce, même en bas âge.
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