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Roman • Les carnets de l’underground

2 mars 2021
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Les carnets de l’underground de Gabriel Cholette est né sur Instagram. Voulant témoigner de ses aventures berlinoises – au programme : club techno, exploration des drogues et de la sexualité –, le candidat au doctorat en littérature médiévale s’est ouvert un finsta (fake-Instagram) pour publier les photos qu’il ne désirait dévoiler qu’à une poignée d’ami.e.s. Rapidement, Gabriel Cholette a voulu accompagner ses selfies de textes qui faisaient le récit des soirées. Le roman, publié dans la collection Queer chez Triptyque, est la version augmentée du finsta : on y retrouve de nouveaux textes ainsi que les illustrations de Jacob Pyne, reconnu pour sa reprise des symboles et des icônes de la culture gaie.

L’auteur manie avec aisance les codes des réseaux sociaux. Le texte s’adressant initialement à une petite communauté, les personnages et les lieux se passent souvent de descriptions, et le roman nous entraîne dans une rapide chevauchée grâce à une langue qui n’hésite pas à faire côtoyer des expressions anglophones, des références populaires et des envolées lyriques dignes de la Beat Generation. De Montréal à Manhattan, en passant par Berlin et Paris, des premières sorties au Club Unity au désenchantement du nightlife, Gabriel Cholette nous propose une immersion dans la culture rave, où il décrit avec une transparence désarmante sa consommation de drogues et ses explorations sexuelles. L’exergue situe bien l’esprit du livre : « Envoyez pas ça à ma mère. »

Grindr, poppers, dark room, sexe anonyme : si Gabriel Cholette brosse le portrait d’une certaine culture gaie à Montréal et à Berlin, il met en scène, parfois avec humour, parfois avec sensibilité, des écarts à une sexualité scriptée, bien huilée, sans anicroches. Après une invitation sur Grindr, par exemple, le narrateur refuse une relation sexuelle de groupe à laquelle un nouveau partenaire se rajoute : « [...] je leur dis que c’est pas ce qui avait été convenu, que je suis pas à l’aise et que je veux partir » (p. 8). Plus loin, on peut lire une scène ludique où les deux personnages, drogués, n’arrivent plus à communiquer leurs désirs : « Jacob, qui voulait que je lui suce le batte, a fait des allers-retours de sa bouche à sa ceinture avec son cellulaire et a placé le téléphone dans un angle pour m’indiquer que c’était son pénis, en shakant un peu » (p. 16). Ces ratés contribuent à déconstruire et à pluraliser l’image d’une narration sexuelle normative dans laquelle ne sont pas représentés les tentatives, les limites et les essais-erreurs.

À peine pourrait-on reprocher aux Carnets son caractère cumulatif, les nuits s’enchaînant les unes après les autres, ainsi que les fragiles développements des enjeux affectifs entourant la culture du rave. Le contexte de publication dans lequel ce roman s'inscrit vient colmater les brèches et n’est pas innocent quant à la fascination que l’écriture de Gabriel Cholette exerce sur ses lecteurs et lectrices : par la fiction, on goûte aux danses suantes, au tapage de la techno, aux corps en mouvement qui nous manquent tant aujourd’hui.

Référence

Auteur : Gabriel Cholette
Titre : Les carnets de l’underground
Date de parution : 13 janvier 2021
Maison d’édition : Triptyque (Coll. Queer)

Ce livre est disponible en version papier à la Grande bibliothèque (BAnQ). Il est également possible de se le procurer en librairie au coût de 28,95 $. 

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