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Chronique • Accoucher sous hypnose : une mode qui s’impose

16 août 2017
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À une époque où de plus de plus de gens voient la médecine occidentale comme étant dans une impasse, beaucoup sont portés à se tourner vers les médecines alternatives.

Une de celles-ci fait un retour en force marqué depuis les dernières décennies : l’hypnose. Bien qu’elle fut calomniée et caricaturée par l’hypnose dite « de théâtre » (Robin, 2013) elle récupère peu à peu ses lettres de noblesses et gagne en popularité dans divers domaine dont celui de l’obstétrique (Beebe, 2014). La liste des programmes d’autohypnose pour l’accouchement, qui selon moi manquent tous sérieusement d’originalité niveau appellation (HypnoBirthing®, Hypnobabies®, Hypno-Vie, HypnoNaissance, etc.) ne fait que s’étirer depuis les dernières années. On compte de plus en plus d’adeptes de cette pratique que certains considèrent encore comme controversée. 

En effet, certains perçoivent l’hypnose et l’hypnothérapie comme des phénomènes oscillants entre la science et l’ésotérisme, malgré toutes les publications scientifiques fiables à ce sujet. 

L’hypnothérapie est une science méjugée qui pourrait potentiellement être bénéfique pour une multitude de patients dans diverses disciplines, particulièrement dans le domaine obstétrical, à condition que les nombreux sceptiques se laissent persuader de l’efficacité de cette pratique, ou du moins, soient plus ouverts à celle-ci.   

Hyponothérapie 101

L’hypnose est à la fois un état psychique, une relation thérapeutique, une procédure et un processus (Robin, 2013; Beebe, 2014). C’est pourquoi le concept d’hypnose et sa définition peuvent parfois porter à confusion. Habituellement, l’hypnose est décrite comme un état de conscience altéré que l’on nomme « transe » (Robin, 2013) qui permet de moduler certaines réactions neurovégétatives (Facco, Zanette et Casiglia, 2014) et qui est caractérisée par une attention marquée pour la suggestion (Abdeshahi, Hashemipour, Mesgarzadeh, Shahidi Payam et Halaj Monfared, 2013; Allison, 2015) . Cela peut être comparé à un état de concentration profonde dans lequel le sujet hypnotisé a la capacité de changer sa façon de percevoir les choses (Blair Terhune et Cohen Kadosh, 2012; Beebe, 2014; Allison, 2015) et peut ainsi modifier ses pensées, son comportement et peut même changer l’interprétation de ses sensations et de ses perceptions (Kirsch, 1994; Robin, 2013). Cet état d’esprit peut être induit par une tierce personne (hypnose primaire) ou par soi-même (hypnose secondaire, auto-hypnose). Il est important de comprendre que dans le cas de l’hypnose primaire, il ne s’agit pas de contrôle par la pensée car la personne hypnotisée doit être volontaire et disposée à entrer en hypnose (Robin, 2013; Beebe, 2014). On a donc pas du tout affaire à une manipulation mentale ni à un type de sommeil, mais simplement à un état d’éveil modifié (Robin, 2013; Beebe 2014). L’hypnothérapie est tout simplement la thérapie par l’hypnose, c’est à dire le traitement d’un problème d’ordre physique ou psychologique en utilisant divers procédés hypnotiques (Messinger, 1994; Robin, 2013).

Historique de l’hypnose thérapeutique

Bien qu’elle existe depuis plusieurs siècles, l’hypnose dite moderne fait son apparition vers la fin du XVIIIe siècle avec le physicien Franz Anton Mesmer qui pratiquait le magnétisme animal (Bellet, 2002; Robin, 2013; Allison, 2015). À cette époque, le concept d’hypnose et le nom qu’on lui donnait (somnambulisme provoqué, sommeil lucide, etc.) était spécifique à celui qui la pratiquait. Ce n’est qu’en 1843 qu’apparaît le terme « hypnose » grâce aux travaux du Dr. James Braid (Allison, 2015) et qu’en 1882 qu’on finit par considérer le phénomène comme une science à part entière définie par des critères précis (Bellet, 2002; Robin, 2013) . Malgré tout, l’hypnose perd en popularité et ce n’est que grâce au célèbre psychiatre américain Milton Erickson dans les années 50 qu’elle connaît un regain d’intérêt de la part de la communauté médicale (Bellet, 2002; Robin, 2013). De nos jours, on considère l’hypnose comme étant basée sur la dissociation : le sujet se dissocie de la réalité extérieure pour se concentrer presque exclusivement sur sa réalité intérieure qui est habituellement inaccessible à la conscience (Robin, 2013). Il existe plusieurs techniques d’hypnose qui peuvent avoir différents effets à différent niveaux et dans différents domaines tels que la médecine, la psychologie et la dentisterie (Messinger, 1994; Allison, 2015). Nonobstant les différentes les pratiques hétérogènes de l’hypnothérapie, le produit final est souvent le même, c’est à dire un état d’attention et de concentration prononcée qui permet au sujet d’accomplir un objectif grâce à un état de conscience altéré (Robin, 2013)

Science de la transe

Si comme moi vous avez tendance à pyrrhoniser sans vergogne, vous serez heureux d’apprendre qu’il existe plusieurs indicateurs neurophysiologiques de l’état hypnotique, marqueurs considérés comme davantage irréfragables selon les sceptiques de ce monde. Les sujets en état d’hypnose démontrent effectivement certains marqueurs physiologiques caractéristiques de l’état de transe qui ne peuvent être reproduits volontairement à l’état d’éveil (Robin, 2013). D’abord, on remarque que les mouvements oculaires latéraux sont excessivement lents chez les sujets hypnotisés (Robin, 2013). Il a aussi été constaté grâce à l’électro-encéphalographie que les sujets en hypnose profonde avaient un rythme thêta beaucoup plus prédominant qu’en état d’éveil (Robin, 2013), bien que ce soit aussi le cas des sujets en phase de sommeil paradoxal par exemple (Basar et al., 2001). Enfin, l’hypnose entraine certaines variations caractéristiques du débit sanguin cérébral. On voit notamment une augmentation de l’activité de la région cingulaire antérieure (responsable entre autre des hallucinations), de l’activité du thalamus (un des principaux sites d’action des anesthésiants) mais également de l’activité de la région occipitale (impliquée dans le processus d’imagerie mentale) (Derbyshire et al., 2004). À l’inverse, on voit une réduction marquée de l’activité du précuneus et du cortex cingulaire postérieur (impliqué dans les sensations de douleur) (Robin, 2013). Toutefois, pour que ces marqueurs soient considérés comme étant caractéristiques de l’état d’hypnose, ils doivent être pris dans leur ensemble car individuellement, ils ne sont pas spécifiques à l’état de transe (Robin, 2013). 

En transe pour moins de souffrance

On utilise l’hypnothérapie pour différentes affections physiques ou psychologiques : anxiété, dépression, phobie, dépendance (alcool, tabac, drogues), problème de concentration ou de démotivation, problème de bégaiement et de tics, de comportement, de confiance en soi, problèmes digestifs, troubles alimentaires, spasmophilie, insomnie, etc. (Messinger, 1994; Bellet, 2002). Les tenants de l’hypnothérapie semblent dire que presque tout peut être guéri, ou du moins amélioré par l’hypnothérapie. Bien que je sois quelque peu dubitative face aux supposés pouvoirs quasi-illimités de celle-ci, je ne peux que m’incliner face aux effets analgésiques indéniables de cette dernière. Les propriétés analgésiques de l’hypnose ont été prouvées maintes et maintes fois (Montgomery et al., 2000), bien que les mécanismes qui sous-tendent l’effet analgésique soient encore plus ou moins bien connus (Robin, 2013). L’analgésie par l’hypnose permet de moduler des signaux de douleur en activant des mécanismes physiologiques qui les inhibent (Robin, 2013). Dans certains cas, l’hypnothérapie peut même mener à la sédation complète du sujet (Allison, 2015; Facco et al., 2014). L’hypnose comme analgésiant était autrefois couramment utilisée dans divers domaines tels que la chirurgie, mais elle a été délaissée au profit des méthodes d’anesthésie et d’analgésie chimiques modernes (Bellet, 2002; Allison, 2015;). Cependant, elle est encore largement utilisée en dentisterie (Facco et al., 2014; Allison, 2015) et les études sur l’hypnose dans ce domaine abondent. Une de celles-ci a pu conclure que l’hypnose permettait d’augmenter le seuil de la douleur de plus de 200% et que les patients n’avaient pas besoin de d’autres anesthésiant durant leur chirurgie (Abdeshahi et al., 2013; Allison, 2015)

Hypnotiser pour mieux accoucher

Pour énormément de femmes, l’accouchement s’accompagne de vives douleurs et s’avère très demandant, autant au niveau physique que psychologique (Whitridge et al., 1985; Werner et al., 2013; Madden et al., 2016). Étant donné que l’hypnothérapie est très sécuritaire (Cyna et al., 2004; Kroger, 2008; Beebe, 2014; Facco et al., 2014; Allison, 2015), n’a que très peu de contre-indications (ex : surdité, troubles mentaux, etc.) (Bellet, 2002) et fonctionne particulièrement bien sur les femmes enceintes (Alexander et al., 2009), elle semble être un excellent choix pour aider les femmes à diminuer les douleurs lors de l’accouchement. Un très grand nombre d’études ont pu conclure que l’hypnose durant l’accouchement réduisait le recours à un analgésique (ex : épidurale) ainsi que l’utilisation de produits pharmaceutiques (ex : ocytocine synthétique), augmentait la satisfaction par rapport à la gestion de la douleur et augmentait les chances d’accoucher par voie vaginale (Cyna et al., 2004; Smith et al., 2006; Beebe, 2014; Finlayson et al., 2015). Énormément d’études ont rapporté que les femmes ayant accouché sous hypnose étaient grandement satisfaites de leur expérience en terme de gestion de la douleur (Werner et al., 2013; Finlayson et al., 2015).

On peut donc convenir que même si elle est encore considérée comme marginale dans le domaine obstétrical (Nishi et al., 2014), l’hypnothérapie pour gérer les douleurs lors de l’accouchement est une excellente alternative aux analgésiants (Allison, 2015). En effet, les méthodes pharmaceutiques traditionnelles (ex : épidurale) utilisées pour soulager les femmes en travail actif ne conviennent par à toutes les femmes (Ullman et al., 2010) et sont parfois contre-indiquées lors d’allergies, de problèmes de coagulation, de spina bifida, d’obésité ou de fièvre par exemple  (Martin et al., 2012). 

Hypnotisation et parturition : une combinaison qui sème le doute

Cependant, l’hypnothérapie est loin d’être une panacée. Plusieurs d’études ont conclu que l’hypnose n’avait aucun effet sur la douleur lors de l’accouchement (Downe et al., 2015; Werner et al., 2012). Par exemple, selon une méta-analyse datant de 2016 et regroupant près de 3000 femmes, le fait d’être dans le groupe de sujets sous hypnose ou bien dans le groupe témoin n’avait pas d’influence claire sur le fait d’accoucher par voie vaginale, sur la satisfaction par rapport au soulagement de la douleur et sur l’intensité de la douleur ressentie (Madden et al., 2016; Fisher et al., 2009). On peut donc observer que les études sur l’hypnothérapie durant l’accouchement se contredisent énormément. Ceci peut s’expliquer par différentes raisons. Premièrement, les études prises en compte dans la méta-analyse avaient des méthodologies très divergentes (groupes témoins dissimilaires, type et technique d’hypnose disparates, critères d’inclusion et d’exclusion très différents d’une étude à l’autre, etc.), et sont donc difficilement comparables (Beebe, 2014). Néanmoins, même si les données actuelles à propos de l’hypnothérapie pendant l’accouchement ne sont pas toutes concluantes (Madden et al., 2016), ou simplement quasi-inexistantes dans le cas de l’hypnose primaire (qui est selon moi l’avenue la plus intéressante si on s’inspire des résultats obtenus en dentisterie), et qu’il est difficile de prouver hors de tout doute que l’hypnothérapie a réellement un effet positif en terme d’atténuation la douleur lors de l’accouchement, il ne faut pas d’emblée éliminer cette méthode. 

Mon but n’est pas de faire l’apologie de l’hypnothérapie et de dénigrer les méthodes d’analgésie modernes dans le domaine obstétrical, bien au contraire. Même s’il reste énormément de chemin à faire en terme de compréhension des mécanismes de l’hypnose, je crois qu’il est important de garder en tête que des méthodes autres que les traditionnelles péridurales existent et pourraient aider des femmes en travail. 

Loin de moi l’idée de vous faire croire que l’hypnothérapie est un traitement miracle pour les douleurs lors de l’accouchement, mais elle peut sans contredit réduire l’inconfort à des degrés variés et peut assurément réduire l’utilisation de médicaments (Beebe, 2014).

Toutefois, les patientes voulant avoir recours à l’hypnose se butent très souvent aux attitudes négatives et aux esprits fermés de membres du personnel hospitalier (Beebe, 2014). Je ne veux pas porter d’accusations étant moi-même une sceptique dans l’âme. Reste qu’en tant que membres de la communauté scientifique, nous nous devons de garder l’esprit ouvert. Plusieurs professionnels de la santé travaillant en obstétrique ne connaissent pas les potentiels effets bénéfiques que peut avoir l’hypnothérapie primaire pendant l’accouchement et vont donc occasionnellement jusqu’à vilipender les patientes qui y adhèrent (Beebe, 2014).

Dire oui à l’hypnothérapie

Bien que l’hypnose existe depuis des centaines d’années (Wilson et Dillard, 2012) et est de plus en plus utilisée dans différents domaines médicaux, l’hypnothérapie en obstétrique se doit de faire ses preuves en terme d’outil thérapeutique selon les règles de la science. Il est tout à fait normal que les professionnels de la santé ne soient convaincus de l’efficacité de cette pratique que lorsqu’il y aura davantage de publications portant spécifiquement sur la gestion de la douleur pendant l’accouchement et que ces publications auront atteint les standards imposés par les études de type essai randomisé contrôlé. En tant que scientifique, il faut donc encourager la recherche sur l’hypnothérapie (surtout primaire étant donné que le nombre de publications sur ce type d’hypnose est minime) durant l’accouchement afin d’avoir des données fiables, et espérons concluantes, sur lesquelles s’appuyer pour baser les recommandations en terme de pratiques cliniques. En tant qu’individu, nous devons faire preuve d’ouverture face aux bienfaits que l’hypnothérapie pourrait nous apporter, bien qu’elle puisse nous sembler nébuleuse de prime abord. Effectivement, l’hypnose pourrait s’avérer être une option intéressante dans différentes avenues de la santé reproductive où un effet analgésique est recherché comme lors des interruptions volontaires de grossesse, lors des cas de troubles sexuels comme l’éjaculation précoce ou l’impuissance (lorsque le problème n’est pas purement biologique) ou encore lors des cas de troubles gynécologiques comme la dyspareunie, le vaginisme, la vulvodynie, etc. (Messinger, 1994; Dufresne et al., 2009). Allez, vos paupières sont lourdes, lourdes, lourdes... À trois, on ose l’hypnose. 

Un…deux…trois! 

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À une époque où de plus de plus de gens voient la médecine occidentale comme étant dans une impasse, beaucoup sont portés à se tourner vers les médecines alternatives. Une de celles-ci fait un retour en force marqué depuis les dernières décennies : l’hypnose. Bien qu’elle fut calomniée et caricaturée par l’hypnose dite « de théâtre » (Robin, 2013), elle récupère peu à peu ses lettres de noblesses et gagne en popularité dans divers domaine dont celui de l’obstétrique (Beebe, 2014). La liste des programmes d’autohypnose pour l’accouchement, qui selon moi manquent tous sérieusement d’originalité niveau appellation (HypnoBirthing®, Hypnobabies®, Hypno-Vie, HypnoNaissance, etc.) ne fait que s’étirer depuis les dernières années. On compte de plus en plus d’adeptes de cette pratique que certains considèrent encore comme controversée. 

En effet, certains perçoivent l’hypnose et l’hypnothérapie comme des phénomènes oscillants entre la science et l’ésotérisme, malgré toute la littérature scientifique fiable à ce sujet. 

L’hypnothérapie est une science méjugée qui pourrait potentiellement être bénéfique pour une multitude de patients dans diverses disciplines, particulièrement dans le domaine obstétrical, à condition que les nombreux septiques se laissent persuader de l’efficacité de cette pratique, ou du moins, soient plus ouverts à celle-ci.   

Hypnothérapie 101

L’hypnose est à la fois un état psychique, une relation thérapeutique, une procédure et un processus (Robin, 2013; Beebe, 2014). C’est pourquoi le concept d’hypnose et sa définition peuvent parfois porter à confusion. Habituellement, l’hypnose est décrite comme un état de conscience altéré que l’on nomme « transe » (Robin, 2013) qui permet de moduler certaines réactions neurovégétatives (Facco, Zanette et Casiglia, 2014) et qui est caractérisée par une attention marquée pour la suggestion (Abdeshahi, Hashemipour, Mesgarzadeh, Shahidi Payam et Halaj Monfared, 2013; Allison, 2015). Cela peut être comparé à un état de concentration profonde dans lequel le sujet hypnotisé a la capacité de changer sa façon de percevoir les choses (Blair Terhune et Cohen Kadosh, 2012; Beebe, 2014; Allison, 2015) et peut ainsi modifier ses pensées, son comportement et peut même changer l’interprétation de ses sensations et de ses perceptions (Kirsch, 1994; Robin, 2013). Cet état d’esprit peut être induit par une tierce personne (hypnose primaire) ou par soi-même (hypnose secondaire, auto-hypnose). Il est important de comprendre que dans le cas de l’hypnose primaire, il ne s’agit pas de contrôle par la pensée car la personne hypnotisée doit être volontaire et disposée à entrer en hypnose (Robin, 2013; Beebe, 2014). On a donc pas du tout affaire à une manipulation mentale ni à un type de sommeil, mais simplement à un état d’éveil modifié (Robin, 2013; Beebe 2014). L’hypnothérapie est tout simplement la thérapie par l’hypnose, c’est à dire le traitement d’un problème d’ordre physique ou psychologique en utilisant divers procédés hypnotiques (Messinger, 1994; Robin, 2013).

Historique de l’hypnose thérapeutique

Bien qu’elle existe depuis plusieurs siècles, l’hypnose dite moderne fait son apparition vers la fin du 18ème siècle avec le physicien Franz Anton Mesmer qui pratiquait le magnétisme animal (Bellet, 2002; Robin, 2013; Allison, 2015). À cette époque, le concept d’hypnose et le nom qu’on lui donnait (somnambulisme provoqué, sommeil lucide, etc.) était spécifique à celui qui la pratiquait. Ce n’est qu’en 1843 qu’apparaît le terme « hypnose » grâce aux travaux du Dr. James Braid (Allison, 2015) et qu’en 1882 qu’on finit par considérer le phénomène comme une science à part entière définie par des critères précis (Bellet, 2002; Robin, 2013). Malgré tout, l’hypnose perd en popularité et ce n’est que grâce au célèbre psychiatre américain Erickson dans les années 50 qu’elle connaît un regain d’intérêt de la part de la communauté médicale (Bellet, 2002; Robin, 2013). De nos jours, on considère l’hypnose comme étant basée sur la dissociation : le sujet se dissocie de la réalité extérieure pour se concentrer presque exclusivement sur sa réalité intérieure qui est habituellement inaccessible à la conscience (Robin, 2013). Il existe plusieurs techniques d’hypnose qui peuvent avoir différents effets à différent niveaux et dans différents domaines tels que la médecine, la psychologie et la dentisterie (Messinger, 1994; Allison, 2015). Nonobstant les différentes les pratiques hétérogènes de l’hypnothérapie, le produit final est souvent le même, c’est à dire un état d’attention et de concentration prononcée qui permet au sujet d’accomplir un objectif grâce à un état de conscience altéré (Robin, 2013)

Science de la transe

Si comme moi vous avez tendance à pyrrhoniser sans vergogne, vous serez heureux d’apprendre qu’il existe plusieurs indicateurs neurophysiologiques de l’état hypnotique, marqueurs considérés comme davantage irréfragables selon les septiques de ce monde. Les sujets en état d’hypnose démontrent effectivement certains marqueurs physiologiques caractéristiques de l’état de transe qui ne peuvent être reproduits volontairement à l’état d’éveil (Robin, 2013). D’abord, on remarque que les mouvements oculaires latéraux sont excessivement lents chez les sujets hypnotisés (Robin, 2013). Il a aussi été constaté grâce à l’électro-encéphalographie que les sujets en hypnose profonde avaient un rythme thêta beaucoup plus prédominant qu’en état d’éveil (Robin, 2013), bien que ce soit aussi le cas des sujets en phase de sommeil paradoxal par exemple (Basar et al., 2001). Enfin, l’hypnose entraine certaines variations caractéristiques du débit sanguin cérébral. On voit notamment une augmentation de l’activité de la région cingulaire antérieure (responsable entre autre des hallucinations), de l’activité du thalamus (un des principaux sites d’action des anesthésiants) mais également de l’activité de la région occipitale (impliquée dans le processus d’imagerie mentale) (Derbyshire et al., 2004). À l’inverse, on voit une réduction marquée de l’activité du précuneus et du cortex cingulaire postérieur (impliqué dans les sensations de douleur) (Robin, 2013). Toutefois, pour que ces marqueurs soient considérés comme étant caractéristiques de l’état d’hypnose, ils doivent être pris dans leur ensemble car individuellement, ils ne sont pas spécifiques à l’état de transe (Robin, 2013). 

En transe pour moins de souffrance

On utilise l’hypnothérapie pour différentes affections physiques ou psychologiques : anxiété, dépression, phobie, dépendance (alcool, tabac, drogues), problème de concentration ou de démotivation, problème de bégaiement et de tics, de comportement, de confiance en soi, problème digestifs, troubles alimentaires, spasmophilie, insomnie, etc. (Messinger, 1994; Bellet, 2002). Les tenants de l’hypnothérapie semblent dire que presque tout peut être guéri, ou du moins amélioré par l’hypnothérapie. Bien que je sois quelque peu dubitative face aux supposés pouvoirs quasi-illimités de celle-ci, je ne peux que m’incliner face aux effets analgésiques indéniables de cette dernière. Les propriétés analgésiques de l’hypnose ont été prouvées maintes et maintes fois (Montgomery et al., 2000), bien que les mécanismes qui sous-tendent l’effet analgésique soient encore plus ou moins bien connus (Robin, 2013). L’analgésie par l’hypnose permet de moduler des signaux de douleur en activant des mécanismes physiologiques qui les inhibent (Robin, 2013). Dans certains cas, l’hypnothérapie peut même mener à la sédation complète du sujet (Allison, 2015; Facco et al., 2014). L’hypnose comme analgésiant était autrefois couramment utilisée dans divers domaines tels que la chirurgie, mais elle a été délaissée au profit des méthodes d’anesthésie et d’analgésie chimiques modernes (Bellet, 2002; Allison, 2015;). Cependant, elle est encore largement utilisée en dentisterie (Facco et al., 2014; Allison, 2015) et les études sur l’hypnose dans ce domaine abondent. Une de celles-ci a pu conclure que l’hypnose permettait d’augmenter le seuil de la douleur de plus de 200% et que les patients n’avaient pas besoin de d’autres anesthésiant durant leur chirurgie (Abdeshahi et al., 2013; Allison, 2015)

Hypnotiser pour mieux accoucher

Pour énormément de femmes, l’accouchement s’accompagne de vives douleurs et s’avère très demandant, autant au niveau physique que psychologique (Whitridge et al., 1985; Werner et al., 2013; Madden et al., 2016). Étant donné que l’hypnothérapie est très sécuritaire (Cyna et al., 2004; Kroger, 2008; Beebe, 2014; Facco et al., 2014; Allison, 2015), n’a que très peu de contre-indications (ex : surdité, troubles mentaux, etc.) (Bellet, 2002) et fonctionne particulièrement bien sur les femmes enceintes (Alexander et al., 2009), elle semble être un excellent choix pour aider les femmes à diminuer les douleurs lors de l’accouchement. Un très grand nombre d’études ont pu conclure que l’hypnose durant l’accouchement réduisait le recours à un analgésique (ex : épidurale) ainsi que l’utilisation de produits pharmaceutiques (ex : ocytocine synthétique), augmentait la satisfaction par rapport à la gestion de la douleur et augmentait les chances d’accoucher par voie vaginale (Cyna et al., 2004; Smith et al., 2006; Beebe, 2014; Finlayson et al., 2015). Énormément d’études ont rapporté que les femmes ayant accouché sous hypnose étaient grandement satisfaites de leur expérience en terme de gestion de la douleur (Werner et al., 2013; Finlayson et al., 2015).

On peut donc convenir que même si elle est encore considérée comme marginale dans le domaine obstétrical (Nishi et al., 2014), l’hypnothérapie pour gérer les douleurs lors de l’accouchement est une excellente alternative aux analgésiants (Allison, 2015). En effet, les méthodes pharmaceutiques traditionnelles (ex : épidurale) utilisées pour soulager les femmes en travail actif ne conviennent par à toutes les femmes (Ullman et al., 2010) et sont parfois contre-indiquées lors d’allergies, de problèmes de coagulation, de spina bifida, d’obésité ou de fièvre par exemple  (Martin et al., 2012). 

Hypnotisation et parturition : une combinaison qui sème le doute

Cependant, l’hypnothérapie est loin d’être une panacée. Plusieurs d’études ont conclu que l’hypnose n’avait aucun effet sur la douleur lors de l’accouchement (Downe et al., 2015; Werner et al., 2012). Par exemple, selon une méta-analyse datant de 2016 et regroupant près de 3000 femmes, le fait d’être dans le groupe de sujets sous hypnose ou bien dans le groupe contrôle n’avait pas d’influence claire sur le fait d’accoucher par voie vaginale, sur la satisfaction par rapport au soulagement de la douleur et sur l’intensité de la douleur ressentie (Madden et al., 2016; Fisher et al., 2009). On peut donc observer que les études sur l’hypnothérapie durant l’accouchement se contredisent énormément. Ceci peut s’expliquer par différentes raisons. Premièrement, les études prises en compte dans la méta-analyse avaient des méthodologies très divergentes (groupes contrôles dissimilaires, type et technique d’hypnose disparate, critères d’inclusion et d’exclusion très différents d’une étude à l’autre, etc.) donc difficilement comparables (Beebe, 2014). Néanmoins, même si les données actuelles à propos de l’hypnothérapie pendant l’accouchement ne sont pas toutes concluantes (Madden et al., 2016), ou simplement quasi-inexistantes dans le cas de l’hypnose primaire (qui est selon moi l’avenue la plus intéressante si on s’inspire des résultats obtenus en dentisterie), et qu’il est difficile de prouver hors de tout doute que l’hypnothérapie a réellement un effet positif en terme d’atténuation la douleur lors de l’accouchement, il ne faut pas d’embler éliminer cette méthode. 

Mon but n’est pas de faire l’apologie de l’hypnothérapie et de dénigrer les méthodes d’analgésie modernes dans le domaine obstétrical, bien au contraire. Même s’il reste énormément de chemin à faire en terme de compréhension des mécanismes de l’hypnose, je crois qu’il est important de garder en tête que d’autres méthodes autre que les traditionnelles péridurales existent et pourrait aider des femmes en travail. 

Loin de moi l’idée de vous faire croire que l’hypnothérapie est un traitement miracle pour les douleurs lors de l’accouchement, mais elle peut sans contredit réduire l’inconfort à des degrés variés et peut assurément réduire l’utilisation de médicaments (Beebe, 2014).

Toutefois, les patientes voulant avoir recours à l’hypnose se butent très souvent aux attitudes négatives et aux esprits fermés de membres du personnel hospitalier (Beebe, 2014). Je ne veux pas porter d’accusations étant moi-même une septique dans l’âme. Reste qu’en tant que membres de la communauté scientifique, nous nous devons de garder l’esprit ouvert. Plusieurs professionnels de la santé travaillant en obstétrique ne connaissent pas les potentiels effets bénéfiques que peut avoir l’hypnothérapie primaire pendant l’accouchement et vont donc occasionnellement jusqu’à vilipender les patientes qui y adhèrent (Beebe, 2014).

Dire oui à l’hypnothérapie

Bien que l’hypnose existe depuis des centaines d’années (Wilson et Dillard, 2012) et est de plus en plus utilisée dans différents domaines médicaux, l’hypnothérapie en obstétrique se doit de faire ses preuves en terme d’outil thérapeutique selon les règles de la science. Il est tout à fait normal que les professionnels de la santé ne soient convaincus de l’efficacité de cette pratique que lorsqu’il y aura davantage de publications portant spécifiquement sur la gestion de la douleur pendant l’accouchement et que ces publications auront atteint les standards imposés par les études de type essai randomisé contrôlé. En tant que scientifique, il faut donc encourager la rechercher sur l’hypnothérapie (surtout primaire étant donné que le nombre de publication sur ce type d’hypnose est minime) durant l’accouchement afin d’avoir des données fiables, et espérons concluantes, sur lesquelles s’appuyer pour baser les recommandations en terme de pratiques cliniques. En tant qu’individu, nous devons faire preuve d’ouverture face aux bienfaits que l’hypnothérapie pourrait nous apporter, bien qu’elle puisse nous sembler nébuleuse à prime abord. Effectivement, l’hypnose pourrait s’avérer être une option intéressante dans différentes avenues de la santé reproductive où un effet analgésique est recherché comme lors des interruptions volontaires de grossesse, lors des cas de troubles sexuels comme l’éjaculation précoce ou l’impuissance (lorsque le problème n’est pas purement biologique) ou encore lors des cas de troubles gynécologiques comme la dyspareunie, le vaginisme, la vulvodynie, etc. (Messinger, 1994; Dufresne et al., 2009). Allez, vos paupières sont lourdes, lourdes, lourdes... À trois, on ose l’hypnose. 

Un…deux…trois! 

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Références
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Pour citer cette chronique :

Gareau, E. (2017, 16 août). Accoucher sous hypnose : une mode qui s'impose. Les 3 sex*https://les3sex.com/fr/news/20/chronique-accoucher-sous-hypnose-une-mode-qui-s-impose 

hypnose, hypnothérapie, transe, accouchement, douleur, analgésie, traitement de la douleur, approche holistique, approche alternatives, méthode naturelle, soulagement de la douleur, Emmanuelle Gareau

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