Crédit : Yanick Macdonald – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Théâtre • Sappho : de la Grèce antique au Centre-Sud

11 mars 2022
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Dans un immeuble en décrépitude du Centre-Sud, Denise accueille et héberge des femmes queer de tout âge qui, meurtries par les stigmates de la société, trouvent en son sein un espace de répit et de solidarité. Ensemble, elles tissent les liens, réécrivent l’Histoire, se soutiennent et se bercent. Elles créent un monde où l’amour entre femmes est possible – si ce n’est essentiel – et où la vulnérabilité est exprimée et accueillie. Doucement et tranquillement, elles pansent leurs plaies. Inspirées par les écrits de Sappho, elles incarnent tour à tour l’histoire de cette poétesse de la Grèce antique qui aurait vécu au VIIe av. J.-C. sur l’île de Lesbos. 

C’est justement la découverte de la poésie de Sappho qui a inspiré Marie-Ève Milot à mettre en scène cette pièce. S’en est suivi des mois de recherche pour mieux comprendre la vie et l’histoire de celle à l’origine du terme « saphisme » et qui a influencé une panoplie d’auteur.e.s depuis plus de 2000 ans. En liste, on retrouve Socrate, Aristote et Baudelaire, pour qui les noms résonnent davantage que celui de Sappho. Difficile de ne pas voir ici une conséquence tangible d’un sexisme latent qui nous a amené à oublier et discréditer les autrices de notre Histoire au détriment d’auteurs masculins qui, encore aujourd’hui, marquent l’imaginaire littéraire. 

Avec Sappho, les directrices du Théâtre de l’Affamée, Marie-Claude St-Laurent et Marie-Ève Milot, portent pour la première fois sur une grande scène l’une de leurs créations. Au cœur de leur démarche, on retrouve une panoplie d’enjeux féministes et queer, du sexisme à l’homophobie en passant par les identités sexuelles multiples, la sexualité entre femmes, les configurations relationnelles et le travail du sexe. Portées par un désir de représentation des parcours et sensibilités féministes par la création théâtrale, les deux autrices ont décidé de brosser le portrait de personnages féminins aux identités sexuelles multiples sur fond de tapisseries effritées et d’illustrations florales et pourpres. 

Il est indéniablement rafraîchissant de voir des récits queer sur scène; les besoins de représentation sont réels et tangibles au sein des communautés queer et lesbiennes. Sappho s’avère ainsi une belle opportunité de création d’imaginaires ancrés et incarnés de réalités trop souvent invisibilisées. Il en résulte toutefois une douce amertume; les personnages, aux parcours un peu grossiers et stéréotypés, n’ont pas réussi, à plusieurs égards, à générer ce sentiment de représentativité. Une recherche de perspectives plus larges et profondes des parcours singuliers des personnes queer aurait pu être pertinente afin d’éviter les raccourcis pernicieux notamment au niveau des configurations relationnelles non monogames, de la bisexualité et de la biphobie, ainsi que du travail du sexe. De plus, l’alternance entre l’histoire de Sappho et celle de Denise aurait pu être mieux ficelée; un décalage entre celles-ci s’est fait sentir tout au long de la pièce. 

Sappho est en outre une œuvre intéressante et rafraîchissante, mais n’a su, à plus d’un titre, remplir son objectif : représenter l’amour, l’intimité et l’amitié entre femmes. La pièce a tout de même attisé notre curiosité sur l’histoire de Sappho et a déclenché plusieurs discussions. À ce titre, Sappho aura réussi son pari : créer des espaces d’échanges et de solidarités entre femmes et personnes queer.

Référence

Production : Théâtre de Quat’Sous et du Théâtre de l’Affamée
Autrices : Marie-Ève Milot et Marie-Claude St-Laurent
Metteuse en scène : Marie-Ève Milot
Titre : Sappho
Dates : 8 mars au 2 avril 2022
Lieu : Théâtre de Quat’Sous

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