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Les recherches empiriques et cliniques sur le thème des couples âgés sont rares en gérontologie, bien que le lien conjugal et familial revêt souvent une plus grande importance en vieillissant lorsque les rôles sociaux et professionnels s’estompent et deviennent moins significatifs (Riley, 1985). D’après l’Institut de la statistique du Québec (2013), l’espérance de vie moyenne à la naissance, au Québec, franchit le seuil des 80 ans (hommes : 80,2 ans; femmes : 84,1 ans) et continue d’augmenter. Non seulement les aîné.e.s vivent de plus en plus longtemps, mais l’espérance de vie en bonne santé, soit sans incapacité physique ou mentale, s’accroît elle aussi continuellement. En 2006, celle-ci avait atteint 67,4 années (Institut de la statistique du Québec, 2012).
Ainsi, les couples âgés d’aujourd’hui peuvent espérer vivre relativement en bonne santé pendant des décennies après la cessation des activités professionnelles et le départ des enfants de la maison. L’une des conséquences de l’augmentation de l’espérance de vie est que les adultes passent maintenant plus de temps en couple qu’au cours du siècle précédent (Schoen et Weinick, 1993). Il appert que le ou la partenaire est bien souvent la personne la plus significative, tenant lieu de confident.e, de compagnon pour faire des activités, de source de soutien ou de proche aidant.e pour le ou la conjoint.e malade (Burgess, 2004).
Le vieillissement et le couple
La vieillesse présente des défis et de nombreux changements qui requièrent une importante capacité d’adaptation compte tenu de l’état de la santé physique et des enjeux professionnels, familiaux et sociaux (Freund, 2008). La relation de couple des personnes qui vivent cette transition de vie en est affectée et subit le poids de ces transformations. Ainsi, le vieillissement oblige les aîné.e.s à faire face à de nombreux changements, dont les inévitables mais graduelles modifications de l’apparence physique, la diminution de l’autonomie fonctionnelle, les maladies chroniques ou la mort du ou de la partenaire (Amyot, 2008).
Âgisme et sexualité
Une autre des difficultés rencontrées par les aîné.e.s est l’attitude âgiste de la société qui entretient des préjugés négatifs quant à la sexualité chez les personnes de cet âge, pouvant aller jusqu'à nier l’existence et l’importance des besoins sexuels des aîné.e.s (Bélanger et al., 2013). Cela s’explique notamment par les représentations sociales négatives que les médias véhiculent à l’endroit du vieillissement et des aîné.e.s (Pellissier, 2009).
Par exemple, une étude québécoise a mis en évidence les attitudes des intervenant.e.s en santé par rapport à la sexualité des aîné.e.s (Bélanger et al., 2013). Il appert que la sexualité, dans le cadre du processus du vieillissement, est un aspect souvent négligé et mis de côté par les clinicien.ne.s. Plusieurs d’entre eux et elles semblent entretenir de fausses croyances et des préjugés liés à l’âge (Lagacé, 2010) alors qu’un manque de connaissances au niveau de la sexualité des aîné.e.s et de leurs besoins spécifiques est rapporté (Bélanger et al., 2013).
La sexualité comme besoin
La sexualité représente un aspect vital dans la vie des partenaires en relation de couple et elle occupe une place essentielle dans la régulation de la qualité de la relation dyadique. À partir de la puberté, peu importe l’âge et la condition, ce besoin d’intimité et de proximité demeure présent. Même chez des patient.e.s en phase terminale, un tiers des couples vont continuer à avoir des relations sexuelles jusqu’à quelques semaines avant la mort du ou de la patient.e (Sankar, 1999).
Par conséquent, il serait erroné de croire que le vieillissement est associé systématiquement à un retrait progressif de la vie sexuelle. En fait, plusieurs recherches montrent que le fonctionnement et le désir sexuel chez les personnes âgées persistent tout en se modifiant (DeLamater et Sill, 2005; Trudel et Goldfarb, 2006).
Facteurs influençant la sexualité
Des transformations physiologiques liées au vieillissement se produisent tant chez l’homme que chez la femme. Elles ont toutes un effet sur la réponse sexuelle, mais comme le révèle Sharpe (2004), l’âge n’est pas le seul facteur causal des dysfonctions sexuelles; il y a aussi la maladie.
De plus, à l’instar des facteurs biologiques, le développement et l’expression de la sexualité sont influencés par des facteurs psychologiques (personnalité, estime de soi, etc.) et sociaux (éducation, environnement familial et social, âgisme) (Rothenberg et Dupras, 2010). Les attitudes par rapport à la sexualité, tout comme l’histoire sexuelle antérieure, jouent un rôle dans la vie sexuelle des aîné.e.s (Trudel et al., 2010). Par exemple, les individus actifs sexuellement durant leur jeunesse rapportent une plus grande fréquence de relations sexuelles lorsqu’ils avancent en âge (Trudel et al., 2010; Trudel et al., 2014). Le fait d’avoir un.e partenaire détermine la présence ou l’absence d’activités sexuelles, surtout chez la femme (Lindau et al., 2007).
Fonctionnement sexuel chez les aîné.e.s
Il est possible de quantifier le désir sexuel en terme de fréquence des rapports sexuels, ou encore de le concevoir davantage en termes d’importance et d’intérêt accordé à la sexualité (DeLamater et Sill, 2005). L’étude de Gott et Hinchliff (2003) porte précisément sur l’importance de la sexualité au sein des couples aînés. Cette étude démontre que ces derniers accordent de l’importance à la sexualité. Il semble également que même si leurs activités sexuelles coïtales deviennent moins fréquentes, la sexualité non génitale (caresses, baisers, etc.) prend de plus en plus d’importance (Jarrousse, 1995; Trudel et Goldfarb, 2006). Les travaux de Trudel et ses collaborateurs (Trudel et al., 2000; Trudel et al., 2010) ont montré que les variables relationnelles liées à la sexualité, en particulier la communication sexuelle (tendance à exprimer ouvertement ses besoins, désirs et préférences au niveau sexuel), prédisaient de façon significative le fonctionnement sexuel chez les plus de 65 ans.
Enfin, même si les gens âgés rapportent une moins grande activité sexuelle avec pénétration que les individus plus jeunes, ils se disent néanmoins satisfaits de la dimension sexuelle de leur vie (Brecher, 1984). Il semble donc que des changements importants se produisent dans la conception de la sexualité chez les aîné.e.s, tout comme dans l’expression du désir (Trudel et al., 2014).
Conclusion
L’univers de la relation conjugale des aîné.e.s demeure encore, sous certains angles, méconnu. Depuis quelques décennies, la vie des couples subit tellement de transformations que les chercheurs et les chercheuses ainsi que les clinicien.ne.s font face à des défis majeurs. En effet, il est question de mieux comprendre les enjeux associés à l’émergence de nouvelles réalités et problématiques chez le couple âgé dans un contexte où les conséquences négatives sont amplifiées par le vieillissement et plus complexes en raison de l’hétérogénéité de cette population. Il est donc nécessaire de poursuivre les travaux de recherche sur le couple âgé si l’on veut être en mesure de répondre adéquatement à toute demande d’aide.
Pour citer cette chronique :
Gauvreau, M. (2016, 20 septembre). Vieillissement et couple – regard sur la sexualité. Les 3 sex*. https://les3sex.com/fr/news/251/chronique-vieillissement-et-couple-regard-sur-la-sexualite-
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