« Est-ce que l’amour est un service essentiel? »
26 mai 2020. Une baleine fait son apparition dans le fleuve Saint-Laurent. Le Québec, isolé et confiné, la suit dans son épopée urbaine et d’eau douce, sillonnant de ville en ville. Sa présence inusitée soulève les interrogations et la fascination. À l’image de la pandémie, ce rorqual nous rappelle notre échec écologique et nous fait questionner notre propre existence en ces lieux désormais clos et anxiogènes. Sommes-nous là où nous devons être? Sommes-nous réellement ce que nous prétendons être?
La veille, George Floyd est assassiné par les forces policières à Minneapolis, au Minnesota. Le monde entier se tourne vers les États-Unis et Floyd devient le symbole de la violence policière, du profilage raciale et du racisme, bien au-delà des frontières états-uniennes. George Floyd, mais aussi Breonna Taylor, tuée par la police quelques mois plus tôt.
La violence policière, le racisme, le suprématisme blanc. Mais aussi la transphobie. En 2020, au moins 44 personnes trans et non binaires ont été assassinées aux États-Unis, selon Human Rights Campaign.
2020, donc. La mort plane. Dans les CHSLD, aux coins des rues, dans les appartements, sur les rives du Saint-Laurent.
Explorant son identité de genre, sa queerness et les luttes qui y sont associées, Eric Noël propose, avec L’amoure looks something like you, de nous replonger dans ces tumultes pandémiques qui, au-delà du confinement, a mis en exergue les contradictions et les maux profonds de nos sociétés : crise écologique, crise sociale et culturelle, discriminations et violences. Le tout avec humour et sensibilité.
Dans L’amoure looks something like you, la baleine, désormais prénommée James (et utilisant des pronoms et accords féminins), devient écueil d’amour et de fluidité; « celle qui n’utilise ni Madame, ni Monsieur ». La baleine devient « amoure ».
Par une mise en scène épurée, symbole du vide social qui a teinté notre année 2020, l’auteur, metteur en scène et interprète, nous présente ses réflexions, contradictions, revendications, aspirations. Iel nous expose son regard sur le monde, teinté par sa relation désormais amoureuse et intime avec James. Forte de choix scénographiques décomplexés, cette proposition d’une heure au titre inspiré de Kate Bush nous permet de se positionner dans le temps et l’espace, et dans les réflexions identitaires qui leur sont propres. Bien que ses métaphores et allégories auraient pu être davantage incarnées et expliquées tout au long de la pièce (en affinant davantage les liens entre les divers évènements cités, notamment), cette proposition s’avère profondément intéressante et d’autant plus pertinente en ces temps toujours aussi troubles pour les communautés de la diversité sexuelle et de la pluralité des genres.
L’amoure looks something like you est la première proposition de l’année culturelle du Théâtre Denise-Pelletier, lançant par la même occasion sa soixantième programmation. À l’affiche jusqu'au 16 septembre, cette lecture-performance sera incarnée par un.e interprète différent.e à chaque soir.
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Les 3 sex* tient à remercier RuGicomm et le Théâtre Denise-Pelletier pour leur invitation à la première de ce spectacle.
Référence
Texte et mise en scène : Éric Noël
Production : Exlibris
Interprètes : Vlad Alexis, Philippe Cousineau, Xavier Gould, Katia Lévesque, Éléonore Loiselle, Alex M. Dauphin, Gabe Maharjan, Parfaite Moussouanga, Éric Noël, Cha Raoutenfeld, Émily Marie Séguin
Titre : L’amoure looks something like you
Dates : 29 août au 16 septembre 2023
Lieu : Théâtre Denise-Pelletier