Vidéo Nasty (affiche de la projection) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Films • Video Nasty : blood, guts and body horror

3 octobre 2024
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Le festival Exposures est dédié à la production cinématographique trans, tant dans la représentation et la mise en scène que dans la création et la conception. Il se distingue par son changement d'approche dans la façon d'aborder les thématiques et réalités des personnes trans: la focale n'est plus uniquement les enjeux identitaires et physiologiques de ces personnes, mais également leur quotidien et leur vie en générale.

Étant l'un des six festivals trans au monde et le premier à Montréal, il explore des thèmes allant de la mort à l'hyperpop¹, en passant par les discriminations et la spiritualité. Cette première édition, sous le thème de l'innovation, met en lumière la diversité de l'esthétique et des expériences trans à travers le monde. La programmation était composée de 13 projections, dont ce programme de courts métrages.

Les courts métrages proposés dans cette projection de 103 minutes offrent un regard audacieux et provocateur. Regroupant plus d’une dizaine d’œuvres variées, cette projection a mis de l’avant l'horreur et le grotesque, souvent dans des contextes où les identités queers et les corps trans sont au centre de l’intrigue . Chaque film explore des thèmes de transformation corporelle, de dysphorie, et de lutte pour l'acceptation, tout en jouant avec l'horreur et l'inconfort.

Par exemple, Tastes Like Pork (Dante Dammit, 2023, États-Unis) présente une rencontre dérangeante entre une femme trans et une cannibale cis dans une scène comique et old-school. Tandis que You Don’t Have To Apologize (Franco Cavazale, 2024, Brésil) plonge dans le surnaturel, mettant en scène un jeune trans revenu d’entre les morts après un incident violent, explorant des thématiques de rejet et de vengeance. À l'autre extrême, A Body Transgressive (Charlie Galea McClure, 2024, Canada), avec ses références à Frankenstein, est une lettre d'amour à l'horreur et aux corps queers, utilisant différentes formes d'animation pour exprimer l'inconfort et la monstruosité.

D'autres films comme La princesse et le paon (Daniel Baker-Wells, 2024, Allemagne) optent pour une approche plus documentaire, présentant des artistes trans en train de performer leur art pleine performance, ou encore Rose Tinted (Jay Casillas, 2023, États-Unis) qui, sans dialogue, transforme l’expérience trans en une métaphore florale, explorant les transformations physiques au travers d’une esthétique saisissante. 

Les œuvres présentées partageant une thématique centrale : le corps, souvent montré de manière perturbante et inconfortable, devient un espace de luttes, de transformation et parfois de destruction. Le Body horror ² est omniprésent, que ce soit à travers des mutations physiques (comme dans Rose Tinted, où une femme trans se transforme en rose), ou des cicatrices émotionnelles et corporelles (From My Rotting Body). L'utilisation du son y est particulièrement marquante, contribuant à créer une ambiance angoissante et stressante. Dans certains films, l'horreur se situe moins dans le visuel que dans l'auditif, avec des bruits constants et dérangeants qui amplifient la tension. 

Parmi les courts métrages présentés, Navel Gazer a été l’un de mes favoris. Avec une touche rappelant Black Mirror, il plonge dans une clinique de fertilité futuriste inquiétante, où une secte obsédée par la maternité et la féminité capture Kora, une personne non binaire, pour ses ovules. Ce film explore les angoisses liées à la pression sociale de la procréation, offrant un cauchemar surréaliste pour celles et ceux qui ne souhaitent pas d’enfants. L’atmosphère, à la fois décalée et oppressante, fait une critique incisive des attentes genrées, tout en jouant avec les codes de la dystopie.

La représentation trans est écrite et interprétée avec une attention particulière portée à l'humour et à l’autodérision, ce qui atténue parfois l'horreur visuelle. Ces films réussissent à questionner des thèmes universels comme la famille, la religion, ou encore la spiritualité, tout en intégrant des récits de luttes contre la dysphorie et la transphobie, sans en faire le cœur du propos. En somme, ce programme explore la relation complexe entre les corps queers et la monstruosité, tout en abordant l'horreur à travers une multitude de perspectives créatives.

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¹ L’hyperpop est un mouvement musical et microgenre issu de l'EDM et de la pop traditionnelle. 
² Le body horror est un genre cinématographique et littéraire qui met en scène des transformations corporelles anormales, souvent grotesques et dérangeantes.

Référence 

Fondatrice du festival : Iris Pinte –Organisme Exposures 
Nom du festival : Exposures
Date de parution : 19 au 22 septembre 2024

La soirée Vidéo Nasty a eu lieu le 20 septembre 2024.

corps, horreur, transformation, dysphorie, identité, queer, psychologique, experimentation, autodérision