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Témoignage • Impuissante

26 novembre 2018
Ariane Audet
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de l'organisme. 

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9 juin 2018, 9h30 du matin.

Je suis présentement à Naples, à bord d’un métro en direction du Vésuve. Comme toujours, le métro est bondé de gens. Nous sommes tous collés, mais au moins, pas besoin d’attendre 30 minutes pour le prochain métro. Je regarde le trajet et j’en ai pour un bon 45 minutes avant d’arriver au volcan.

Ça sent mauvais, tout le monde crie pour s’entendre parler et je n’ai plus de bulle personnelle depuis un bon moment déjà, mais voyez-vous, c’est ça voyager avec un budget réduit. On fait des concessions et le métro est beaucoup moins dispendieux que l’autobus. Je mets donc mes écouteurs pour me déconnecter du monde.

J’adore voyager, la liberté qu’on ressent en se promenant avec son sac à dos dans une nouvelle ville, les paysages à couper le souffle qu’on découvre et toutes les belles rencontres que l’on fait!

Je suis perdue dans mes pensées en écoutant ma musique. Je sors un peu de ma rêverie, car je sens quelques chose dans le bas de mon dos, je dirais même sur le début de mes fesses.

Ma première pensée est que c’est un sac banane. C’est bien à la mode depuis le début de l’été et c’est pratique pour voyager. Étrangement le sac banane bouge beaucoup. Il y a quelque chose de pas normal.

En me retournant, je remarque à mes côtés une dame et sa jeune fille qui me semble avoir aux alentours de 14 ans. Je continue mon 180 ° et je croise le regard d’un homme dans la trentaine qui est vêtu de vieux vêtements troués et qui n’a pas l’air très propre.

C’est en voyant la lueur d’excitation dans son regard que je comprends. Je baisse mon regard et à mon plus grand désarroi je vois que son pénis est en érection sous ses pantalons.

Je fige. Je ne sais pas quoi faire. Qu’est-ce qu’on fait d’habitude dans une telle situation? On crie? On pousse? On s’enfuit?

Malheureusement pour moi, l’option de m’enfuir n’était pas possible alors j’ai essayé de le repousser.

Mauvaise idée!

Le simple contact de mon bras sur le sien a seulement empiré la situation en augmentant son excitation. J’ai essayé de m’éloigner de lui, mais rien à faire, nous étions trop coincés.

Je pouvais sentir le frottement de son sexe sur mes fesses. Je ne me suis jamais sentie aussi impuissante. Étant donné que nous étions tous collés les uns sur les autres, je ne crois pas que les gens autour se soient rendu compte de ce qui se passait. Du moins, j’ose croire que si quelqu’un en avait été témoin, ce quelqu’un serait venu m’aider.

Ç’a duré pendant un bon 15 minutes avant que je sois capable de m’éloigner. Enfin, quelques personnes ont débarqué du métro et j’ai pu me faufiler loin de lui. Ça n’a pas été long avant qu’il trouve quelqu’un d’autre. Il se dirigea vers la jeune fille de 14 ans.

Là c’en était trop! J’ai essayé d’avertir la mère.

Cependant, elle ne comprenait pas l’anglais et je ne parlais pas l’italien. Elle a fini par comprendre grâce à mes mimiques. À ma grande surprise, elle a seulement pris la place de sa fille et tout comme moi, elle l’a enduré. Je m’attendais à ce qu’elle l’insulte en italien et qu’elle le repousse, mais elle ne l’a pas fait.

Je suis restée perplexe. J’aurais cru qu’elle tenterait quelque chose pour mettre fin à cette situation. J’espérais qu’elle soit capable de faire ce que je n’avais pas réussi et qu’elle demande de l’aide aux personnes aux alentours. J’entends à l’interphone que mon arrêt est le prochain, alors je me dirige vers une porte pour me préparer à débarquer. La dame et sa jeune fille en font de même et l’homme dans la trentaine, la main sur le sexe pour se cacher, change de wagon pour trouver sa prochaine victime.

Le frotteurisme est un trouble de santé mentale qui fait partie des paraphilies. Je connaissais ce trouble et je l’avais étudié, étant une étudiante en psychologie, c’était cependant la première fois que je croisais quelqu’un qui en souffrait. J’ai souvent pensé au fait que j’aurais pu faire autre chose.

J’aurais pu lui dire de s’éloigner, le pousser plus fort ou simplement me mettre à crier. Pourquoi n’ai-je rien fait de tout cela? Peut-être parce que j’avais peur?

C’est sans doute la raison pour laquelle je me suis sentie aussi impuissante devant cet homme qui a voulu profiter de la situation. Bien sûr, le fait d’être dans un pays que je ne connaissais pas et dont je ne parle pas la langue n’a pas aidé à mon inaction. De plus, si j’avais été dans un autre contexte où je n’aurais pas été pris au piège, j’aurais probablement agi différemment, en m’éloignant, par exemple.

Tout de même, je n’ai pas dénoncé. J’ai eu peur de lui, et ce même si je savais que je n’allais jamais le revoir.

Je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait si l’homme avait débarqué à mon arrêt et m’avait suivi. Cela m’a fait réaliser que cet événement aurait pu se produire dans n’importe quelle ville, même dans ma ville natale. Dans cette situation, il aurait été probable que je recroise l’individu dans le transport en commun.

Si cela avait été le cas, aurais-je agi différemment? J’ose espérer que oui.

Qu’auriez-vous fait si l’homme vous avait suivi, que ce soit en voyage ou dans votre ville?

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