Cicatrices dues à l'opération subie par l'auteure. Crédit photo : Malicia

Témoignage • Une vraie femme doit devenir mère. Ou pas.

19 septembre 2019
Malicia
px
text

Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.

px
text

« Pourquoi tu ne veux pas d’enfants? »
« Tu n’as pas encore rencontré le bon. »
« Tu es jeune, tu vas changer d’avis. »
« Et qui va s’occuper de toi quand tu seras vieille? »

Tant de questions et de remarques que j’ai entendues des années durant et que je m’apprête à continuer d’entendre pendant les vingt ou trente prochaines années.

Pourquoi n’aurais-je pas le droit de choisir ce qui est bon pour moi, même si cela ne correspond pas à la vision dite « classique » de la famille?

***

Je m’appelle Malicia et j’ai 32 ans. Lorsque j’étais enfant, je ne me demandais pas si je voulais des enfants ou non, car à l’époque, cela faisait partie des choses qui arrivent plus tard, une fois devenu.e adulte. Tout comme se mettre à boire du café ou à aimer le vin. Pourtant, je n’ai jamais voulu d’enfants, je n’ai jamais été attirée par le fait d’être enceinte, par le fait de m’occuper d’une ou de plusieurs personnes dépendantes de moi. Une fois l’âge adulte entamé, les vraies questions se posent, surtout lorsque vient le temps de se mettre en couple et de parler d’avenir. Une « vraie » première relation sérieuse à 20 ans me donnait l’idée que oui, j’aurais des enfants, mais plus tard.

Puis, les années ont passé, le doute s’est installé et j’en suis venue à me poser la question fatidique: « est-ce que j’en veux ou pas? ».

La réponse n’a pas été évidente et je suis passée par différents stades de réflexion.

Tout d’abord, je pensais vouloir être enceinte, mais ne pas garder l’enfant, afin de vivre ce qu’une femme enceinte peut ressentir durant sa grossesse. Mes amies se retrouvant avec des enfants m’ont toutes bourré le crâne comme quoi c’est quelque chose d’exceptionnel, qu’il faut le vivre pour le comprendre. Et moi, alors que je n’étais pas encore 100 % sûre de ne pas vouloir d’enfants, je ne comprenais pas pourquoi je devrais me priver de vivre ces sensations juste parce que je n’en veux pas.

Mon conjoint de l’époque (de cinq ans mon aîné) désirait avoir des enfants, mais je n’ai jamais ressenti de pression de sa part. Je disais, en rigolant, que je n’étais pas prête à me priver de soirées (alcoolisées) avec mes proches si j’étais enceinte, alors on n’en parlait jamais vraiment sérieusement. Au final, j’ai compris que je ne souhaitais pas avoir d’enfants ni même vivre une grossesse. Tout simplement parce que ce n’est pas « moi ». J’ai réalisé que ce qui m’a été inculqué depuis que je suis toute petite est un construit social (par exemple, les femmes sans enfants vont immanquablement regretter de ne pas avoir été mères). Pourtant, chacun.e a le droit de décider pour soi-même.

Je me souviens d’une conversation avec cet ex-mari lorsque je lui ai annoncé que je ne voulais pas d’enfants, et qu’il m’a dit « ce n’est pas avec d’autres que j’en veux, c’est avec toi ». Même si j’avais trouvé cela touchant, ça ne m’a jamais fait changer d’avis. Je me suis rendue compte que le dilemme était immense : faire des enfants pour lui faire plaisir? Ou le priver d’en avoir pour mon bonheur? Après que nos chemins se soient séparés, j’ai réalisé que mon choix était d’autant plus clair.

À la fin de l’année 2018, après plus de 15 ans de prise de pilule et de stérilet de cuivre, j’ai choisi la méthode contraceptive définitive : une salpingectomie bilatérale. Je m’attendais à un parcours de combattante pour y parvenir, mais huit ans après avoir pris la décision de ne pas avoir d’enfants, je me sentais plus que jamais d’attaque pour obtenir ce que je voulais : une méthode contraceptive définitive. Je me suis donc présentée dans une clinique de procréation pour vérifier, avant tout, si j’étais stérile afin de déterminer si l’opération était réellement nécessaire.

Toutefois, la clinique m’a directement orientée vers une chirurgienne d’un hôpital public avec qui j’ai eu rendez-vous quelques semaines plus tard. Lui exposant mon envie, elle m’a bien sûr proposé d’autres méthodes de contraception, parce que je suis jeune, parce que je peux vouloir changer d’avis, parce qu’une fois que l’opération est faite, on ne peut plus avoir d’enfants par méthode naturelle, etc. Ne démordant pas de mon idée, elle m’a indiqué que je serais sur une liste d’attente puisque je n’étais pas une patiente prioritaire (les prioritaires étant les femmes multipares ou à risque de cancer des ovaires).

Je m’attendais à attendre plusieurs mois.

Au final, l’hôpital m’a appelée trois mois plus tard pour me proposer une date. Impossible de la refuser, j’étais excitée comme une folle à l’idée qu’on allait enfin m’écouter et répondre à ma demande. Ce mois-là a été marqué par différentes émotions, tant la joie que la déception, notamment lorsque l’hôpital m’appelait trois jours avant l’opération pour me prévenir qu’on l’annulait, par manque de personnel au bloc opératoire, et qu’il était impossible de me redonner une date. Quelques temps plus tard, j’avais rendez-vous à l’hôpital pour une prise de sang préalable à l’opération, et ce, même si je n’avais pas encore de date prévue pour celle-ci. L’infirmière a porté de lourds jugements à mon égard lorsqu’elle s’est aperçu de la raison de l’opération. Le rendez-vous a été marqué par des :

« Vous êtes jeune, c’est dommage. »
« Une jolie jeune fille comme vous! »
« Vous êtes sûre que vous n’en voulez pas? »
« Pourquoi vous n’en voulez pas? »

J’étais en colère. J’étais choquée. Je ne comprenais pas pourquoi je devais encore et toujours me justifier. Ce que je redoutais le plus, c’est que cette infirmière fasse blocage à mon opération, puisque je n’avais toujours aucune date de prévue. Puis, le lendemain, l’hôpital m’appelait pour me proposer d’être opérée. J’ai sauté sur l’occasion. Au bloc opératoire, allongée avec le masque à oxygène sur le visage, je pleurais en remerciant le personnel de faire cette opération et de ne pas me faire sentir anormale de choisir cela pour moi.

Plus de deux mois après l’opération, je me sens tellement libérée, soulagée, légère, et je ne regrette pas ce choix.

Je m’appelle Malicia, j’ai 32 ans, et je n’aurai jamais d’enfants.

px
text

D'autres témoignages sont disponibles dans le dossier « Childfree : entre liberté et stigmatisation ». N'hésitez pas à consulter le dossier en entier pour en connaitre plus sur cette réalité.

Consulter le dossier « Childfree : entre liberté et stigmatisation »
childfree, femme sans enfants, jugement, doute, questionnement, réflexion, hésitation, norme, construit social, choix, dilemme, partenaire, conjoint, stérilisation, chirurgie, justification, soulagement

Commentaires

Connectez-vous ou Créez un compte . Seuls les abonné.e.s peuvent commenter.