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Témoignage • Être une femme

19 septembre 2019
Isabelle Arcoite
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.

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Translated by Florence Bois-Villeneuve

Être une femme.

Ne pas vouloir d’hormones.
Ne pas vouloir de règles.
Ne pas vouloir d’enfants.

Être quand même une femme.

D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais voulu d’enfants. Mais c’est quand on a commencé à m’imposer une idéologie contraire que j’ai compris que mon choix n’était pas le bon. Si on se demande encore pourquoi on a besoin du féminisme dans une société dite moderne et progressiste, c’est entre autres pour permettre à des femmes comme moi que leur choix soit respecté. C’est pour qu’on reconnaisse qu’une femme n’est pas moins femme parce qu’elle n’est pas mère. C’est pour donner le contrôle de leur corps aux femmes plutôt qu’au personnel de santé.

Parce qu’à l’heure actuelle, en 2019 au Québec, il est encore impossible pour une femme de moins de 30 ans, sans enfants et sans condition de santé précaire, d’obtenir une stérilisation chirurgicale. Je le sais, j’ai essayé. Nous sommes plusieurs à avoir essayé, et ce, auprès de plusieurs professionnel.le.s. Pourtant, plus fort que notre profond désir et le droit de prendre possession de notre corps, il y a la norme sociale selon laquelle toutes les femmes devraient être mères. Plus encore, si elles n’ont pas déjà fait ce choix, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles prennent conscience de leur naïveté et qu’elles retournent sur le chemin qu’on leur a tracé. Ou, peut-être, est-ce une question de partenaires. Parce que le désir d’avoir un enfant va naître en rencontrant la bonne personne, et encore faut-il, selon les normes sociales hétéronormatives, que ce soit un homme.

Cette façon de penser voudrait aussi dire qu’une femme qui ne veut pas vivre une grossesse n’est pas une femme. Parce que l’adoption se doit d’être le second choix. Parce que la grossesse, c’est un passage obligé pour toutes les femmes. Tout comme les menstruations : phénomène naturel quasi inévitable à chaque mois pour rappeler, en abondance de sang et de chair, le rôle de femme. Pour se soustraire à cette réalité, la seule solution réside dans les hormones, ce pour quoi j’ai commencé à prendre la pilule, en continu, à 14 ans.

Parce qu’il vaut mieux, selon notre société moderne, imposer la prise d’hormones supplémentaires (plusieurs conséquences négatives ont pourtant été observées) aux jeunes filles que d’accepter que des femmes prennent le contrôle de leur corps en demandant une chirurgie. Et tant qu’à parler d’hormones, aussi bien soulever le fait qu’être une femme, pour plusieurs, c’est parfois accepter de ne pas avoir une pleine conscience de notre humeur et de nos émotions, souvent altérées par la prise hormonale. Être une femme c’est, malheureusement encore aujourd’hui, voir ses réactions banalisées ou ridiculisées selon la période du mois et la réputation « hystérique » des femmes.

J’ai fait le choix de ne pas avoir d’enfants. C’est mon choix. C’est mon corps.

Pourtant, c’est le personnel du système de santé qui décide, qui me refuse, depuis plus de 10 ans, l’accès à une méthode de contraception à long terme, sans hormones et sans règles. Qui m’impose, depuis plus de 10 ans, la prise d’hormones en continu. Qui me rappelle que mes choix me rendent socialement moins femme.

Je suis une femme, qui n’aura pas d’enfants et qui, un jour, aura le pouvoir sur son corps.

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D'autres témoignages sont disponibles dans le dossier « Childfree : entre liberté et stigmatisation ». N'hésitez pas à consulter le dossier en entier pour en connaitre plus sur cette réalité.

Consulter le dossier « Childfree : entre liberté et stigmatisation »
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