Rêve ton futur est une campagne de sensibilisation portant sur les rêves et aspirations de jeunes queers de 15 à 18 ans. Le projet repose sur la diffusion de six capsules vidéo d’animation de quatre minutes. Chaque vidéo, animé par une personne différente, raconte l’histoire d’un.e jeune queer qui est racisé.e, immigrant.e, autochtone et/ou en situation de handicap.
POURQUOI RÊVER SON FUTUR?
Dans un monde où les défis et les souffrances des jeunes queers sont trop souvent invisibilisés ou minimisés, maintenir l'espoir en un avenir meilleur devient un acte de résilience en soi. Malgré les obstacles et les reculs des droits, il est crucial de célébrer la force de l'esprit humain et de répandre la lumière de la résilience. Rêve ton futur s'engage à être une source d'inspiration, encourageant l'empathie et la diversité des expériences humaines, tout en nourrissant des rêves créatifs et artistiques qui éveillent l'innovation et la solidarité pour construire un avenir plus inclusif et bienveillant pour tous.
LES TÉMOIGNAGES
Les capsules vidéo ont été diffusées sur toutes les plateformes de l’organisme du 13 mars au 31 mars 2024.
Rêve ton futur · Alex
Rencontrez Alex, 15 ans, témoignant de ses aspirations comme jeune autiste, trans et queer.
Rôle des adultes dans la vie des jeunes 2ELGBTQI+
Dans son témoignage, Alex mentionne l’importance qu’a eu son enseignante d’anglais dans son cheminement scolaire, qui l’a notamment encouragé et soutenu dans sa neurodivergence. Les études démontrent qu'il est particulièrement significatif pour le développement et le bien-être des jeunes 2ELGBTQI+ d’avoir des adultes dans leur entourage qui ont le rôle de mentor ou de modèle.
- La personne mentor va pouvoir guider, encourager et soutenir les jeunes face aux difficultés qu’ils ou elles peuvent rencontrer. La relation de confiance qui va se développer avec les jeunes peut perdurer dans le temps.
- La personne modèle, quant à elle, va plutôt constituer un exemple à suivre ou à imiter. Cette personne, sans nécessairement être en relation direct avec les jeunes, peut être, par exemple, un chanteur, une joueuse de hockey ou une influenceuse.
Puisque les jeunes auront tendance à reproduire des comportements qu’ils et elles voient plutôt que de s’appuyer uniquement sur des paroles, il est particulièrement important que les jeunes aient des mentors et des modèles dans leurs vies. De plus, la présence d’adultes mentors dans la vie des jeunes queers est un facteur de protection qui peut leur permettre de développer leur résilience.
Rêve ton futur · Niivi
Rencontrez Niivi, 15 ans, partageant ses rêves comme jeune artiste two-spirit.
Canaliser ses émotions et son vécu par la création artistique
Niivi mentionne dans son témoignage que l’art est une excellente forme de communication pour iel. En effet, que ce soit par la musique, la danse, les arts plastiques, le théâtre; la création artistique peut être un excellent moyen de communiquer et de canaliser ses émotions. L’art nous permet de rester connecté.e.s avec nous-mêmes, en plus de vivre, de comprendre et d’accepter nos émotions. Vivre ses émotions à travers la création artistique permet de les sortir de soi sans s’en cacher ou sans les ignorer.
L’art peut permettre d’accepter et de comprendre ses émotions en les faisant transiter par un médium. Les coups de pinceaux deviennent un reflet de la peur, de la joie, de la colère. Les mouvements de danse deviennent une représentation de la tristesse, du dégoût, ou de la surprise. Un poème revendicateur devient un levier de changement de la peur et de la colère, par exemple.
Mettre sur papier ou exprimer physiquement ses émotions est un moyen d’expression qui favorise la connaissance de soi et qui encourage chaque individu à faire face à ses propres résistances.
Rêve ton futur · Timothée
Rencontrez Timothée, 16 ans, partageant ses rêves comme jeune queer immigrant.
Importance des communautés racisées 2ELGBTQI+ pour aller au-delà de la méfiance
Timothée mentionne, dans son témoignage, la double discrimation que peuvent vivre les personnes 2ELGBTQI+ racisées et/ou immigrantes : être la cible de racisme dans les communautés 2ELGBTQI+ et faire l’expérience d’homophobie ou de transphobie dans les communautés culturelles. Les personnes 2ELGBTQI+ immigrantes peuvent notamment avoir la crainte que leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre soit divulguées dans leur pays d'origine par les membres de leur communauté culturelle, engendrant des conséquences importantes sur leur bien-être et leur sécurité. Tel que le mentionne Timothée, une véritable force communautaire existe au sein des groupes de personnes 2ELGBTQI+ racisées et/ou immigrantes. Pour ces dernières, cela peut être particulièrement important : de ne pas avoir à s’expliquer, de subir moins de discriminations, et de créer un safer space avec des personnes ayant des expériences et des vécus similaires.
Les regroupements/organismes de personnes 2ELGBTQI+ racisées et/ou immigrantes sont à la fois des lieux communautaires et sécuritaires mais peuvent aussi constituer des espaces de famille choisie. La création d’espaces où les risques de vivre des discriminations, des oppressions et des inégalités sont moindres et où il est plus aisé d’être soi-même est souvent essentiel, voire nécessaire.
Rêve ton futur · Félix
Rencontrez Félix, 17 ans, témoignant de ses désirs pour un monde meilleur comme jeune asiatique trans et queer.
La pression familiale à être cis-hétéro
Dans son témoignage, Félix mentionne la pression familiale qu’il a reçu à être une personne cis-hétéro, particulièrement en tant que premier fils de la famille. Il est attendu d'être dans une relation hétérosexuelle, de se marier avec cette personne et d'avoir des enfants biologiques.
Félix différencie cette pression qu’il a reçu à celles issues des familles blanches nord-américaines qui est moindre ou, du moins, peu comparable. Il n’efface toutefois pas qu’être une personne 2ELGBTQI+ blanche peut tout de même être difficile et créer des tensions ou conflits au sein de sa famille.
Cette pression familiale peut s’expliquer notamment par une plus grande importance accordée aux normes et préceptes culturels et/ou religieux, promulgués et renforcés par la communauté diasporique. Pour Félix, cela se déploie vis-à-vis de la piété filiale, puisqu’un grand respect est porté à l’autorité parentale dans sa communauté chinoise, notamment par l’obligation de rendre service à ses parents, de les respecter et de leur « fournir une descendance mâle ».
Félix mentionne que la patience est une vertu, notamment dans le contexte de voir/percevoir un monde meilleur. Cela rappelle la fameuse expression « It gets better » (« ça ira mieux ») que l’on utilise parfois à l’endroit des jeunes 2ELGBTQI+ pour les rassurer. Cette expression implique que les difficultés sont passagères, que la vie n’est pas réduite à l’école secondaire et que, avec le temps, les jeunes trouveront leur communauté. Patienter fait partie de la vie des jeunes; Félix nous rappelle qu’il faut se montrer optimiste face à l’avenir, même si les difficultés actuelles sont réelles.
Rêve ton futur · Ken et Ritzz
Rencontrez Ken et Ritzz, 18 ans, jumelles queer d’origine marocaine en situation de handicap.
Revendication et réappropriation des termes queer et gouine
Dans leur témoignage, Ken et Ritzz soulignent la réappropriation de certains termes jugés péjoratifs. Pourquoi se réapproprier certains termes? Parce qu’il peut s’avérer réparateur de mettre sur table, sans équivoque, l’oppression qui est vécue en choisissant, comme terme d’auto-identification, celui-là même utilisé par la personne oppresseuse. Cette réappropriation permet de prendre le contrôle du narratif de certains mots – comme « queer » ou « gouine » qui ont une connotation péjorative – et d’obtenir du pouvoir sur ceux-ci. Pour, lentement, leur faire perdre leur caractère injurieux, péjoratif et discriminant. Cette réappropriation peut également permettre la création d’une forme de malaise chez la population générale, en conservant le caractère subversif du mot puisqu’utiliser les termes « queer » ou « gouine » permet de questionner les constructions sociales, les attentes sociétales ainsi que le rapport à la sexualité dite normative.
Se réapproprier des termes jugés péjoratifs est ancré dans une démarche d’auto-détermination et d’agentivité vis-à-vis de son auto-identification. C’est-à-dire que chaque personne peut, par elle-même, choisir les termes qui lui conviennent le mieux, qui la représentent le mieux. Certains termes auront une plus grande portée politique, certains seront plus discrets, certains seront plus précis, d’autres plus larges. Au final, chaque personne peut choisir un ou des termes qui la font se sentir bien.
La réparation à faire des blagues de personnes hétéros et de « fake woke »
Ken et Ritzz utilisent l’humour dans leur témoignage pour soulever des contradictions ou ridiculiser certaines situations.
Cette technique de « renverser la situation » est utilisée, par Ken et Ritzz, envers les personnes hétéros : dire que les personnes hétéros sont valides est une façon de remettre en perspective ce que plusieurs personnes 2ELGBTQI+ se font, ou vont se faire, dire tout au long de leurs vies, soit « ton existence est valide, mais n’en fait pas tout un plat ». Dire « j’pense que tout le monde est queer », c’est jouer et ridiculiser l’hétéronormativité qui implique que tout le monde est hétéro jusqu’à preuve du contraire et que l’hétérosexualité est supérieure aux autres orientations sexuelles.
De la même façon, Ken et Ritzz se moquent des personnes ayant une sensibilité à certains enjeux sans en prendre compte d’autres. Les « fake woke » pour Ken et Ritzz sont des personnes ayant à coeur les revendications 2ELGBTQI+ mais qui ne prennent pas en considération que certaines personnes queers sont également en situation de handicap. C’est une façon de canaliser leurs frustrations liées au manque d’inclusion dans certains/plusieurs espaces ou évènements queers.
Rêve ton futur · Tobi
Rencontrez Tobi, 18 ans, jeune queer, bispirituel, transmasculin et lesbienne.
Impact du colonialisme et du capitalisme
Dans son témoignage, Tobi mentionne que l’anti-queerness tire son origine du colonialisme. Il fait référence au rejet des identités 2ELGBTQI+ durant la première vague de colonisation, du XVe au XVIIe siècle, où l’imposition d'idéologies par les pays colonisateurs ont effacé, invisibilisé et même criminalisé l’existence des personnes 2ELGBTQI+. Pensons notamment à la bispiritualité qui a été violemment effacée et réprimée, entre autres par le système de pensionnats au Canada.
Brièvement, le colonialisme peut être défini en tant que système d’oppression où un peuple, une nation ou un pays est soumis à un autre. Le colonialisme n’est pas une idéologie qui appartient au passé, il continue de faire des dommages, encore à ce jour. Le colonialisme est plus qu’une invasion d’un pays par un autre; il peut prendre la forme, par exemple, d’une mainmise économique d’un pays sur un autre.
La décolonisation, quant à elle, est un processus qui mène à la souveraineté, la libération et l’indépendance d’un peuple et/ou d’une nation qui a été colonisée. Elle est donc une forme d’émancipation.
Le capitalisme est un système socio-économique, basé sur la quête du profit, de la productivité et du gain des biens matériels individuels, au détriment des besoins collectifs. Le capitalisme nous éloigne de la communauté, de l’effet du groupe et donc, nous isole et creuse les inégalités sociales (classe sociale, « race », genre, âge, handicap, orientation sexuelle, statut migratoire, etc.). Il est donc important pour les personnes queers de critiquer le capitalisme puisque ce système contribue aux oppressions.
La signification de l’identité « he & lesbian »
Dans son témoignage, Tobi se présente en tant que personne lesbienne qui utilise le pronom « il ». Comment ces deux informations sont-elles compatibles? À sa plus simple expression, lesbienne veut dire « une personne non-homme qui aime les personnes non-hommes ». À cela s’ajoute que les pronoms ne sont pas indicateurs de l’identité de genre; les pronoms font plutôt partie de l’expression de genre. Par exemple, une personne peut utiliser le pronom « il » pour se détacher de la féminité sans toutefois s’identifier comme homme.
LE LEXIQUE
Nous vous suggérons de prendre connaissance du lexique de ce Guide pratique pour des municipalités québécoises inclusives des personnes LGBTQIA2+, un projet du Conseil Québécois LGBT pour un éventail de définitions (p. 9 à 14).
LES RECOMMANDATIONS
Les 3 sex* recommande que
- un financement exclusif aux enjeux des jeunes 2ELGBTQI+ racisé.e.s, Autochtones, en situation d’immigration et/ou en situation de handicap soit créé afin de mieux répondre aux besoins spécifiques de ceux-ci et celles-ci;
- des mesures soient mises en place afin de faciliter et simplifier les transitions sociales et les changements de prénom et de pronom dans les écoles et les institutions, notamment en facilitant l’utilisation d’un prénom usuel, plutôt que légal et en incluant les pronoms dans des formulaires;
- les cours d’éducation à la sexualité soit inclusifs des différences culturelles, de la neurodivergence et des handicaps physiques;
- de la formation soit offerte au personnel scolaire (autant enseignant que non-enseignant) sur l’inclusion et la diversité, particulièrement dans le but d’éviter les micro-agressions, mais également de savoir bien accueillir un.e jeune qui fait un dévoilement (coming out) de son identité de genre ou de son orientation sexuelle.
RESSOURCES
Consultez le répertoire compilé par Interligne pour des ressources supplémentaires.
- AGIR (par et pour la communauté migrante LGBTQIA+)
- CIVA (pour les personnes en situation de handicap physique)
- RAP Jeunesse (pour les jeunes de 14 ans et plus avec des problèmes psychosociales du nord de l’île de Montréal)
- Interligne (pour les personnes concernées par la diversité sexuelle et la pluralité des genres)
CRÉDITS
Idée originale
Estelle Cazelais
Coordination
Mariane Gilbert
Production
Bruno Mercure
Direction de création
Vincent Ethier
Coordination des entrevues
Mylène de Repentigny-Corbeil
Recherche et contenu
Mariane Gilbert
Assistance au montage
Kenza Zirat
Habillage graphique
Cynthia Naggar
Sous-titres
Isabel Thériault
Traduction
Mathilde Bourgeon
Mix sonore
Réservoir audio