pexels.com/Björn Austmar Þórsson – Photo modifiée par Les 3 sex*

Témoignage • Admettre, comprendre et avancer

1 décembre 2023
Anonyme
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.

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La violence. Ayant étudié en intervention, j’ai depuis longtemps une connaissance des différentes formes qu’elle peut prendre et des rapports de force qu’elle instaure. Dans les relations intimes, elle est pour moi inadmissible, indésirable, inacceptable. Elle est aux antipodes de ce qu’est l’amour : sincère, généreux, libre. 

Et pourtant. 

Décembre 2022, trois mois après une rupture difficile et douloureuse, je revois une ancienne amoureuse pour la première fois. Avec tout le courage que cela demande, elle me nomme que j’ai eu des comportements violents à son égard, lorsque nous étions ensemble. Première réaction : incompréhension et sensation physique d’inconfort. Comme un bouillonnement qui part du bas-ventre allant jusqu’aux oreilles. Sur le coup, j’ai de la difficulté à saisir de quoi elle parle. Je reconnais avoir été maladroite, mais violente? Ma réaction physique est (trop) vive. Ça écorche en moi quelque chose de fragile, mais sur le moment, je suis incapable de comprendre quoi. Après questionnement, l’ancienne amoureuse me donne des exemples concrets de comportements que j’ai eu qui relèvent d’actes violents : des commentaires passifs-agressifs, une difficulté à passer à autre chose à la suite d’un conflit, des renfrognements sur moi-même. Comme je suis en mesure de retracer chacun des exemples qu’elle me donne, je n'ai eu d'autre choix que de reconnaître mes torts. Ok, je n’ai jamais frappé, fait du chantage ou insulté. Les faits rapportés sont plus subtils, plus insidieux. Tellement, que durant la relation, je n’étais pas consciente des dynamiques que j'installais par ces actions. Cette prise de conscience fait naître une grande peine et un fort sentiment de honte. Un inconfort encore plus grand que le premier : celui de me regarder à travers le filtre de mes actions. Le choc est important. Au cours des jours et semaines qui suivent, les choses deviennent rapidement chaotiques dans ma tête et je n’arrive plus à voir clair. J’ai besoin d’aide.

Je me suis tournée vers ma psy, un repère pour moi. Après lui avoir raconté les faits et verbalisé les sentiments de culpabilité et d’échec qui m’habitaient, elle m’a ramenée à un élément de base : la fonction des comportements. Comme quoi, derrière bon nombre de nos actions, se cache un besoin. À quoi me servent ces actions insidieuses? Quel en est le bénéfice secondaire? En fouillant, je me suis aperçue que dans mes relations, je me sens constamment en danger. J’ai peur d’être blessée, abandonnée, rejetée. La peur de décevoir rend difficile le fait de nommer mes besoins et de mettre mes limites de façon honnête et appropriée. Résultat : j’essaie d’être gentille, douce, accommodante, aimable. Je me laisse peu de place et rapidement, je me sens prise – traquée. J’ai l’impression de ne pas être écoutée et considérée, ce qui me mène à attaquer de façon insidieuse. Par mon incapacité à nommer les choses clairement, je fais mal pour être vue. Au lieu de m’écouter et de nommer, je me referme et je mords par réflexe. Je me construis des narratifs seule, je projette sur l'autre mes parts d'ombre et mes craintes. Et donc plus je suis dans ma tête, plus je fais mal. 

Cette prise de conscience est importante, certes, mais ne justifie ni n'excuse les gestes posés. Après le constat vient le temps des responsabilités et la nécessité d’action, de réparation. Avec le recul, je comprends que de mettre fin à ses comportements violents passe par le fait d’accepter de se montrer vulnérable à soi et à l’autre. C’est accepter d’être faillible, d’avoir des limites et de les nommer clairement, dans le respect de soi et de l’autre. C’est d’accepter d’avoir peur et de se choisir, même si cela risque de déplaire. C’est se rappeler que je ne suis pas constamment en danger et que je n’ai pas besoin d'agir comme si je l'étais. C’est d’être en mesure de revenir vers l’autre lorsqu’une situation difficile s’est produite, d’écouter et de trouver de meilleurs moyens d’être ensemble. C’est aussi de garder en tête que je suis responsable de mon bien-être, que les relations amoureuses ne sont pas des rapports de force où l’on doit performer. Ce sont des rapports d’égalité qui se travaillent, se construisent et peuvent s’arrêter sans que cela soit une réussite ou un échec. Je comprends aussi que c’est en premier lieu à moi que je fais violence quand je m’emmure dans mon silence. 

Donc, je continue la thérapie, j’apprends à me laisser de l’espace et j’essaie de faire autrement. 

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Ce témoignage s'inscrit dans le projet «Te reconnais-tu? Parlons des violences insidieuses. » présentatant un appel à témoignages, une campagne de sensibilisation et un outil.

Pour en savoir plus sur le projet
harcèlement, violence subtile, violence conjugale, sensibilisation, incompréhension, prévention, thérapie, travail sur soi, évolution

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