L'histoire d'Elliot Rodger, à l'âge de 22 ans, marque le premier acte de violence de masse perpétré par un individu s’identifiant comme incel à Santa Barbara, Californie, en mai 2014. Ce jeune homme avait rédigé un manifeste de 137 pages détaillant le plan de sa tuerie. Elliot, à la fois meutrier et martyr, a érigé les fondations radicales du mouvement des incels à travers cette tuerie et son suicide. Contrairement aux attentes, ce mouvement ne trouve pas son origine chez un homme ou un groupe d'hommes cis , mais plutôt chez Alana, une étudiante états-unienne. Elle créa le Alana's Involuntary Celibacy Project, un forum en ligne pour les personnes ressentant de la frustration causée par leur célibat. Le projet évolua en une plateforme d'échange, de soutien et de partage, jusqu'à ce qu'Alana trouve finalement un partenaire et se retire temporairement du forum. Suite à la tuerie de Santa Barbara, Elliot devint une figure de martyre vénérée sur le site d'Alana, consolidant un sentiment dominant de frustration sexuelle imputé aux femmes (Bannet-Weiser et al., 2019). Il ne reste alors que majoritairement des hommes cis hétérosexuels sur ce forum, formant les prémisses d’un mouvement social anti-femmes, les « célibataires involontaires », ou « incels ». Ces discours haineux se sont ensuite propagés vers d’autres plateformes comme Reddit, Twitter ou Youtube. De nos jours, les incels ne forment qu’un sous-groupe d’une communauté plus vaste connue sous le nom de manosphère. Cette mouvance englobe les Men's Rights Activists (militant.e.s pour le droits des hommes cis supposément en déclin), les Men Going Their Own Way (profondément anti-féministes et misogynes rejetant tout contact avec les femmes), les Pick-up Artists (prônant des techniques de manipulation et de harcèlement sexuel afin d’avoir des relations sexuelles avec des femmes), et enfin les incels. Ces mouvements reposent sur l'idée dominante que les femmes contrôlent les sociétés et les relations intimes hétérosexuelles au dépend des droits des hommes (Sparks et al., 2022). Les articles présentés explorent les caractéristiques psychosociales des individus appartenant à la manosphère et montrent l’influence de certains facteurs sur l'activité des incels en ligne (lien entre le niveau de compétition de dating et le nombre de tweets incels par exemple). En outre, les individus appartenant à la manosphère présentent un profil psychologique nettement distinct de celui des hommes qui n'en font pas partie, marqué par des séquelles émotionnelles, un niveau plus élevé d'anxiété et de dépression et une plus faible estime de soi (Czerwinsky, 2023; Sparks et al., 2022). Cette recension expose donc l’histoire, l’évolution et les caractéristiques des individus appartenant aux communautés en ligne de la manosphère.