Trop n’est pas assez (illustration issue du livre) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Bande dessinée • Trop n'est pas assez

8 novembre 2020
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Été 1984, Ulli a 17 ans. Jeune punk autrichienne, elle vient d’abandonner l’école et rêve d’une vie sans attaches, exempte des obligations d’un monde capitaliste et autoritaire. Avec son amie Edi, elles décident de fuir Vienne et de partir en Italie. Sans papier ni argent, elles ont soif de liberté et d’aventures. Avec pour seule possession un sac de couchage, elles franchissent la frontière illégalement avec la ferme intention de laisser la route et les rencontres guider leur chemin. Elles vivront, le temps de quelques mois, la vie de la rue, le travail du sexe et la mendicité, ne se souciant guère de leur apparence et d’un avenir conventionnel. Cette quête de liberté et d’affranchissement socioéconomique aura toutefois un fort prix à payer dans un monde misogyne et patriarcal. Agression sexuelle après agression sexuelle, harcèlement constant et sexisme latent, les derniers chapitres de Trop n’est pas assez ne donnent aucun répit en décrivant, avec précision, les violences et discriminations constantes dont la narratrice est victime. Tous les hommes qu’elle rencontrera la violeront, l’agresseront, l'abandonneront ou tenteront d’user de sa naïveté à leur avantage. 

Récipiendaire du prix Révélation du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême en 2011, Trop n’est pas assez est un roman graphique lourd et dur qui secoue et perturbe. Ce récit en est un de désenchantement, de désillusions, de révoltes et de colère. La quête d’indépendance et de liberté d’Ulli se butera à un monde machiste qui considère chaque femme dans l’espace public comme un objet ou un produit à consommer, à utiliser.

D’abord rebuté par le style de dessins de Lust – une simple question de goût – Trop n’est pas assez m’a par la suite emportée et soulevée. Cumulant plus de 400 pages, parsemé par des lettres et extraits de son journal intime, le roman graphique est percutant et révoltant. Le ton est parfois naïf, souvent cru; on aurait parfois envie de mieux comprendre les réflexions que ce voyage a suscitées chez l’autrice, tout en reconnaissant que ce style est cohérent avec celui d’un récit d’adolescence. Comme si la violence du propos ne pouvait qu’être nommée, sans être analysée ou mise en perspective, parce que l’autrice, alors adolescente, ne pouvait capter l’ampleur de ce périple qui la tourmente encore aujourd’hui. 

À lire tranquillement, une page à la fois.

Référence

Autrice : Ulli Lust
Titre : Trop n’est pas assez
Date de parution : 18 juin 2012
Maison d’édition : Çà et là

Ce livre est disponible en version papier et électronique à la Grande bibliothèque (BAnQ). Il est également possible de se le procurer en librairie au coût de 49,95 $.

violence sexuelle, travail du sexe, roman graphique, culture, critique