Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire (illustration issue du livre) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Bande dessinée • Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire

4 décembre 2020
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Marie Boiseau nous prépare, dès les premières pages, à la lecture de son livre : tel un journal intime – ou plutôt un carnet de dessins intime – on retrouvera dans Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire « des bouts [d’elle]-même, des questionnements, des bouts de carnets, des dessins d’humeur et peut-être aussi un peu d’introspection ». Au cours des pages, on découvre son univers, criblé de remises en question, de peurs et de doutes, mais aussi d’agentivité et d’un fort désir de représentativité. Ode à son corps, qu’elle dessine souvent nu, elle pose un regard sur ses fesses, sa pilosité, son rapport aux vêtements, aux pratiques et normes sociales qu’elle horripile – salut la bise! – et sa peur de l’abandon. Dessiner des corps nus est pour elle un moyen d’aimer et d’accepter son corps; à la lecture de Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire, c’est à notre tour de réfléchir à notre propre rapport au nôtre. 

Ironiquement, Marie Boiseau a commencé à dessiner en tentant de reproduire des Bratz, ces petites poupées aux yeux énormes et aux lèvres charnues, symboles d’une beauté féminine normative et stéréotypée. Ironiquement oui, puisque ses dessins en sont aujourd’hui l’antithèse. Elle explique son changement de perspective comme ceci : « J’ai tout simplement commencé à dessiner des corps qui me ressemblaient plutôt que des corps auxquels j’avais envie de ressembler » (ChEEk Magazine, décembre 2020). Ainsi, de corps aux proportions impossibles à la promotion d’une pluralité corporelle, elle appose aujourd’hui un regard féministe et intersectionnel sur son processus créatif. Diversité raciale, culturelle, de genre, d’âge et de forme… Marie Boiseau valorise la pluralité et la multiplicité des corps à travers ses dessins, afin de donner aux femmes – et à elle-même – une représentativité trop souvent absente des réseaux sociaux et autres plateformes médiatiques. Dans Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire, c’est justement son propre corps qu’elle met en scène et qu’elle reproduit sous la forme de traits parfois grossiers, parfois fins. Un corps qu’elle se réapproprie – poils, vergetures et gras y compris – mais qui s’articule également dans un espace public déshumanisant. 

Ce court premier ouvrage de l’autrice, fort de ses dessins, de ses réflexions et de ses questionnements, est une brèche dans son univers personnel et créatif. Les formes et les couleurs se mélangent; dans ses moments d’angoisse et d’anxiété, sa plume nous porte vers des dessins parfois rapprochés et brouillons, parfois seuls et isolés dans des pages vides. Au contraire, dans des épisodes de fierté et d’émancipation, c’est une plume fugace et colorée qui trace son portrait. Le principal élément négatif que l’on peut porter au livre est qu’il soit trop court. Rassurez-vous toutefois; elle est présente et active sur la majorité des plateformes de réseaux sociaux!

Référence

Autrice : Marie Boiseau
Titre : Ni bon ni mauvais ni tout à fait le contraire
Date de parution : 27 janvier 2020
Maison d’édition : Lapin

Ce livre est disponible en version papier et électronique à la Grande bibliothèque (BAnQ). Il est également possible de se le procurer en librairie au coût de 22,95 $.

 

diversité corporelle, femmes, anxiété, roman graphique, culture, critique