L'origine du monde, Éditions Rackham 2016 - Utilisation équitable

Bande dessinée • L'origine du monde

29 janvier 2021
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Liv Strömquist se trouve dans un café féministe lorsqu’elle entend sa voisine mentionner la taille réelle du clitoris. Intriguée et confuse, elle décide de faire des recherches approfondies sur la vulve, le vagin et le clitoris. Le résultat, son essai dessiné intitulé L’origine du monde et publié dans sa version française aux éditions Rackham en 2016, a propulsé l’autrice sur les bancs des bédéistes féministes les plus connues à travers le monde. 

Le problème, selon Liv Strömquist, ce n’est pas le manque d’intérêt pour la vulve et les organes génitaux dits « féminins ». Au contraire, grâce à ses lectures et recherches, elle prend plutôt conscience d’une véritable obsession les entourant, allant de la diabolisation à l’objectivation. L’origine du monde débute ainsi avec le portrait de sept hommes « qui se sont un peu trop intéressés à ce qu’on appelle les “organes féminins” ». On y retrouve John Harvey Kellogg (oui, oui, celui des céréales) et Isaac Baker Brown, ces médecins obnubilés par l’onanisme féminin, l’un suggérant l’application d’acide sur le clitoris de celles qui se masturbent, et l’autre procédant à l’ablation du clitoris de ses patientes sans leur consentement. Saint Augustin et John Money sont également sur sa liste, le premier identifiant la femme comme tentatrice et impure, le deuxième étant à l’origine de multiples opérations sur des clitoris qu’il jugeait « trop grands ». Les instigateurs de la grande chasse aux sorcières (qui considéraient le clitoris comme une excroissance sujette à être sucée par Satan) et les profanateurs de la tombe de la reine Christine de Suède (qui ont décidé d’ouvrir son tombeau après des centaines d’années afin de « valider » son intersexuation) sont également cités. Finalement, le Baron Georges Cuvier complète la liste; ce paléontologue et zoologiste qui a disséqué le cadavre de Saartjie Baartman, une esclave khoisan d’Afrique du Sud, afin de conserver ses fesses, son anus et sa vulve dans des bocaux de formol. Pour Cuvier, la taille de ses parties génitales étaient alors une « preuve » de l’infériorité des personnes noires. 

Strömquist poursuit son portrait sociohistorique de la vulve en évoquant sa représentation dans la culture populaire, souvent dépeinte comme inexistante ou inutile en l’absence du pénis. Elle décrit, avec justesse et précision, les allégories de la vulve dans diverses cultures et religions. L’orgasme y est par la suite dépeint, tant dans sa représentation publique et médiatique que dans ses racines historiques et culturelles. Elle termine finalement son ouvrage en abordant les menstruations. Elle y critique la honte qui y est trop souvent associée et ses conséquences plurielles sur les rapports que peuvent entretenir les femmes avec leur corps. 

Dans L’origine du monde, Liv Strömquist dresse un riche portrait de la vulve et du vagin. Cette autrice, bédéiste, journaliste et animatrice suédoise nous fait découvrir des pans occultés de l’histoire grâce à de minutieuses recherches. La force du travail de Strömquist réside dans sa capacité à allier humour et rigueur académique à l’aide de textes étoffés et de dessins aux traits grossiers et imagés. Il en résulte un ouvrage complexe et révoltant.

Référence

Autrice : Liv Strömquist
Titre : L’origine du monde
Date de parution : 20 juin 2016
Maison d’édition : Rackham

Ce livre est disponible en version papier et électronique à la Grande bibliothèque (BAnQ). Il est également possible de se le procurer en librairie au coût de 37,95 $. 

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