The Naked Director - Netflix (affiche du film) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Série • The Naked Director : joies et censures de la pornographie japonaise dans les années 80

15 février 2021
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« My motto is love. And love means accepting nature. Which is why I insist on not shaving my armpits. »
- Kaoru Kuroke

Sapporo, 1980. Dans un Japon en plein essor, le monde du japanese adult video sera bientôt bouleversé par l’ascension improbable de Toru Muranishi (Takayuki Yamada) et de sa partenaire, l’actrice porno Kaoru Kuroke (Misato Morita). Basé sur un livre biographique écrit par Nobuhiro Motchashi, The Naked Director raconte comment Muranishi, d’abord un père de famille et un vendeur d’encyclopédies plutôt incompétent, est devenu, en moins d’une décennie, l’une des figures les plus proéminentes de la pornographie japonaise. The Naked Director est une incursion franche et amusante dans les dessous de l’industrie pornographique du Japon des années 80 où s’entremêlent politique et criminalité, puis censure et désir. Certes romancée, la série dresse toutefois un bon portrait de l’époque, et nous rappelle que l’intime et le social sont toujours liés : la quête de Muranishi, de Kuroke et de toute son équipe était bien celle de la libération des désirs contre la culture de la honte et de la censure.

Se déroulant sur près d’une décennie, cette première saison de The Naked Director défie les normes télévisuelles japonaises : les scènes de pornographie y sont explicites, et elles sont nombreuses. On y découvre comment et pourquoi Toru Muranishi s’est imposé dans le genre, forçant ses compétiteurs à emboîter le pas : il est l’un des rares à montrer ses acteurs masculins à la caméra – dont lui même, vêtu de son populaire caleçon blanc. Il appuie sur l’importance du plaisir sexuel de toutes parts, et il cherche à capturer des scènes d’érotisme et de désir senti. « I don’t film close up genitals and over the top fucking », nous dit-il. Pour lui, la pornographie est une manière de répandre la joie et constitue un portrait fidèle de notre humanité. Bien que révolutionnaire lorsque évalué à l’aune du siècle dernier, Muranishi n’est pas exempt de tares et certaines scènes de la série font d’ailleurs grincer des dents, notamment en ce qui a trait au consentement. Par chance, Megumi alias Kaoru Kuroke donne une raison d’être à l’histoire et renverse le male gaze qui transcende autrement l’industrie pornographique japonaise des années 80 (certain.e.s diraient même « et d’aujourd’hui »). En clamant haut et fort « Let me do as I please », Kaoru Kuroke rétablit le narratif et se fait porteuse d’un motto qui résonne encore aujourd’hui, et qui fait de The Naked Director une émission qui vaut la peine d’être vue. « Women should be free to desire sex », et surtout, de le vivre librement. 

On pourrait reprocher à la série de vouloir en montrer trop, trop vite. En apprenant qu’une deuxième saison est à venir, on regrette de ne pas en avoir vu davantage dans la première, notamment sur l’ascension de Kaoru Kuroke, qui s’est déroulé en majeure partie alors que Toru Muranishi, lui, purgeait une peine de deux ans à Hawaii suite à un tournage frauduleux. Alors qu’aujourd’hui encore, l’industrie de la pornographie au Japon est d’une part sujette à la censure, et d’autre part reconnue pour l’usage de méthodes coercitives (McCurry, 2017), c’est à se demander si, finalement, The Naked Director n’est pas le filon manquant pour revisiter, comprendre puis repenser notre rapport collectif à la pornographie pour en inventer un qui soit, comme le désirait Muranishi, basé sur le désir, la joie et l’humanité partagée.

Référence

Réalisation : Hayato Kawai, Masaharu Take et Eiji Uchida
Écriture : Kôsuke Nishi, Yoshitatsu Yamada, Eiji Uchida, Kana Yamada et Nobuhiro Motohashi
Titre : The Naked Director
Date de sortie : 2019

Cette série est disponible sur Netflix.

Sources

Adelstein, J. (2016, 2 juillet). Porn industry takes step toward recognizing problem. Japan Times.
McCurry, J. (2017, 15 mai). Forced into porn: Japan moves to stop women being coerced into sex films. The Guardian. 
Norma, C. et Morita, S. (2020). Feminism Action Against Pornography in Japan: Unexpected Success in a Unlikely Place. Dignity: A Journal on Exploitation and Violence. 4(4), 1-24. 
Norma, C. (2016, 8 juillet). East Asia’s pornography trade and abuse of human rights. East Asia Forum. 
s.a. (2017, 26 mai). Japan wakes up to massive exploitation of women in porn industry. Agencia EFE. 

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