Pieces of a Woman (affiche du film) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Film • Pieces of a Woman : fragments d’un deuil

17 mars 2021
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*** Avertissement de contenu : cet article traite de deuil périnatal. Des références vers des lignes d’écoute et de clavardage sont fournies dans la section Précisions de la rédaction au bas de la page. ***

Débutant par une longue introduction représentant une scène d’accouchement à domicile, Pieces of a Woman est le dernier film du réalisateur hongrois Kornel Mundruczo (White God, La lune de Jupiter). On y dépeint la quête de sens de Martha (Vanessa Kirby), endeuillée suite au décès de sa fille, survenu quelques instants après sa naissance. Rarement abordé dans les sphères sociales et culturelles, le deuil périnatal se veut le sujet central de ce film, dont la réalisation superbe et le ton bien réussi lui ont valu de multiples éloges.

Il est vrai que le vécu de Martha y est dépeint tout en finesse : on ressent avec elle l’absurdité du retour forcé au quotidien suite à l’accouchement, la douleur de son corps qui a donné naissance, l’omniprésence de la fillette perdue qu’on retrouve dans les sons, les images et les odeurs qui peuplent le quotidien. Tous les évènements extérieurs semblent superflus, voire grossiers, en comparaison au travail de deuil auquel Martha fait face. En effet, alors que la trame narrative de Martha nous rattache au film, on ne peut pas en dire autant de celle des personnages qui l’entourent, à commencer par Sean, son conjoint (Shia LaBeouf¹). Pieces of a Woman se veut certes démonstratif de l’expérience singulière du deuil, mais ce qu’on laisse à voir du vécu de Sean est plutôt constitué d’une série de mauvais clichés censés représenter l’expérience paternelle de la perte d’un nourrisson.

Si on est tenté.e.s de visionner Pieces of a Woman pour son traitement de l’accouchement à domicile, la précaution est de mise : plusieurs sages-femmes ont vertement critiqué la scène, et avec raison (voir la publication du Regroupement Les Sages-Femmes du Québec). On y présente une image tronquée de la pratique, faisant de la sage-femme une présence inutile et incompétente. C’est loin de la réalité du Québec, par exemple, où la pratique du métier est régie par un ordre professionnel et où les sages-femmes sont équipées et formées de manière extensive. Il s’agit d’une opportunité ratée et il est dommage qu’on ait ainsi faussé l’image de la pratique au détriment du propos du film. Le choix d’une naissance à domicile, dans le narratif qui s’ensuit – soit la poursuite criminelle de la sage-femme qui est tenue responsable de la mort de l’enfant –, contribue à dépeindre Martha à travers le trope de la femme « égoïste » et « déraisonnable ». Cet étau se resserre d’ailleurs tout au long du film où les choix et le deuil de Martha sont sans cesse invalidés. La bonne nouvelle, c’est que sa force affirmative ne tarit jamais.

On peut enfin donner à Pieces of a Woman le mérite de révéler l’anomie collective qui règne autour de la question du deuil périnatal, et d’en faire un récit touchant, celui de Martha, qui ne perd jamais de vue la force de la dignité au cœur du travail du deuil.

¹ Suite à la sortie de Pieces of a Woman, Shia LaBeouf a été dénoncé par ses ex-partenaires pour violence conjugale.

Référence

Réalisation/création : Kornél Mundruczó
Scénario : Kata Wéber
Titre : Pieces of a Woman
Date de parution : 4 septembre 2020

Ce film est disponible sur Netflix. 

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Précisions par la rédaction
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