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Série • Sexify, du sex-shop au copulatorium : cartographie du plaisir féminin

11 juin 2021
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Alors qu’elle s’apprête à graduer de l’Université de Varsovie, Natalia, une prodige de la programmation informatique, décide de se lancer à pieds joints dans un projet plutôt fou : développer une application qui aide les femmes à atteindre l’orgasme, un état qu’elle n’a jamais expérimenté elle-même. Pour y arriver, celle-ci s’entoure de Paulina, une catholique pratiquante insatisfaite de sa vie sexuelle, et de Monika, une jeune héritière multipliant les partenaires sexuels et feignant l’orgasme à tout coup. Co-écrite et co-réalisée par Kalina Alabrudzińska et Piotr Domalewski, Sexify est l’histoire plutôt accrocheuse de trois jeunes femmes en quête de plaisir, certes, mais surtout en quête de désir. Car ce qu’elles devront découvrir pour répondre à la question qui les anime concerne d’abord cette chose résolument intime et politique — trop souvent restreinte par les imaginaires dominants — qu’est le désir. 

« Ou bien la culture populaire déforme l’orgasme féminin, ou bien elle l’ignore tout simplement » (traduction libre).

Au cours des huit épisodes de la série, on assiste aux multiples expérimentations du trio : expositions, visites de sex-shop, cours sur la respiration vaginale, et plus encore. Leurs efforts culminent avec la création du fameux « copulatorium », véritable laboratoire à la Masters et Johnson¹ où des couples sont invités à se donner du plaisir pour les biens de la recherche. Si le message final de la série constitue une puissante invitation à la libération du plaisir féminin — et à la déconstruction des imaginaires restreignant les zones érogènes féminines au simple duo clitoris-vagin, la plus importante zone érogène étant bel et bien le cerveau — il faut d’abord subir l’omniprésence de la figure phallique et de la sexualité centrée autour de l’acte pénétratif. À cet égard, Sexify constitue une représentation de la sexualité encore tristement près de la réalité. Il est aussi un peu dommage que le personnage de Natalia soit désigné comme étant « vierge » et conséquemment incapable de plaisir : un lien plutôt réducteur, et loin d’être réaliste. 

Malgré tout, en cours de route, on assiste à la construction d’amitiés féminines puissantes, à la rencontre de personnages masculins rompant avec les normes, ainsi qu’à l’affranchissement de Paulina qui, sans renier sa foi catholique, se permet de se découvrir en tant que sujet désirant. En cela, Sexify détonne, alors que la Pologne est un pays où naissent des zones libres d’idéologies LGBTQ+², et où le droit à l’avortement³ est quasi inexistant. Somme toute, Sexify est une série amusante, décomplexée et assez éducative. Sans être révolutionnaire, c’est un pas dans la bonne direction, et son sujet central, soit le plaisir féminin hors du male gaze⁴, était plus qu’attendu au sein de la culture populaire.

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¹ William H. Masters et Virginia E. Johnson sont connu.e.s pour avoir mené, dans la deuxième moitié du XXe siècle, des recherches sur les réponses physiologiques sexuelles et le traitement des dysfonctions sexuelles. Leurs recherches, basées sur l’observation directe, ont fait l’objet d’un tabou au tournant des années 60.
² Baudot, J.R. et Ory, I. (2021, 10 mars). En Pologne, des « zones libres d’idéologies LGBTQ+ » inquiètent l’Union européenne. Europe 1.
³ Sénécal, P. (2021, 28 janvier). La quasi-interdiction de l’avortement a force de loi en Pologne, Le Devoir.
⁴ La notion de « regard masculin » (male gaze) est introduite dans les années 70 dans la pensée critique féministe au cinéma pour désigner la représentation dominante des femmes au sein de la culture populaire. Cette représentation s’articulerait autour d’un regard masculin, cisgenré et hétéronormatif qui opère notamment en objectifiant les femmes, et en instrumentalisant la notion même de désir.

Référence

Réalisation/création : Kalina Alabrudzińska et Piotr Domalewski
Titre : Sexify
Date de parution : 2021

Cette série est disponible sur Netflix.

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