Hôpital Silence – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Roman • Hôpital Silence

4 mars 2022
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Hôpital Silence est le premier livre de Nicole Malinconi, paru aux Éditions de Minuit en 1985, dans la collection « Documents ». L’autrice belge, assistante sociale de formation, a travaillé pendant cinq ans dans un hôpital et ce récit témoigne de l’expérience d’accouchement et d’avortement des femmes dans le milieu hospitalier, à une époque où le statut légal de l’avortement demeurait fragile. En France, il était possible, à partir de 1979, d’avorter en fonction de certaines conditions, et ce, sans risquer de poursuites pénales. Le code pénal n’a cependant été mis à jour qu’en 1992. À titre comparatif, l’avortement au Québec était permis conditionnellement à partir de 1969 et été décriminalisé complètement en 1988.

Le projet de Malinconi participe à ce qu’on appelle aujourd’hui une « littérature de terrain ». L’autrice, en vertu de son travail, se retrouve au sein même de la réalité qu’elle décrit et se promet d’être la médiatrice des paroles oubliées, marginalisées. Son travail littéraire, écrit-elle, consiste à « permettre de parler, rendre possible une place pour les mots. Pour celles qui décidaient d’avorter, pour ceux et celles qui venaient à l’hôpital » (p. 69). Pour ce faire, elle réunit et rassemble « les mots dont [elle] avai[t] été témoin, les mots perdus de l’hôpital » (p. 70) en plusieurs chapitres, dont certains portent le nom des femmes dont elle rapporte l’expérience .

La partie sur l’avortement est particulièrement marquante, car le lectorat entre dans la perspective d’une personne suivant le protocole typique d’une interruption de grossesse volontaire, que l’écriture minimaliste de Malinconi décrit de manière sensible, c’est-à-dire en faisant référence aux sons, aux textures, aux odeurs. Elle se met aussi à l’écoute du questionnement des femmes, révélant leurs peurs, l’absence d’éducation dû aux barrières systémiques, leurs soulagements : 

« Est-ce qu’il est formé? Est-ce qu’on le voit, après l’aspiration? » (p. 84)

« Elle pense qu’après “ça” il n’y a plus qu’un ovaire qui fonctionne [...] Il ne restait plus que l’ovaire qui donne les garçons, dit-elle. » (p. 86)

« C’est le vide d’une angoisse que j’ai vécue pendant des semaines. » (p. 85)

Dans ce récit, Malinconi donne voix aux femmes avec lesquelles elle a travaillé, s’attaquant ainsi à ce qu’elle décrit comme l’indifférenciation et la déshumanisation du milieu hospitalier : « À la question, au cri, l’hôpital se fait sourd et greffe sur le corps un langage codé, équivalent pour tou[.e]s, de la neutralité beige des murs » (p. 133). Ce petit document offre ce que l’on voit rarement en littérature, à savoir une représentation de l’avortement dans la perspective intime des personnes ayant un utérus. Hôpital Silence rappelle aussi que le droit à l’avortement, en France comme au Québec, est le résultat très récent (et précaire) d’une lutte qui se poursuit encore dans d’autres pays.

Référence

Auteur.e : Nicole Malinconi
Titre : Hôpital Silence
Date de parution : 1985
Maison d’édition : Espace Nord

Ce livre est disponible en version papier à la Grande bibliothèque (BAnQ). Il est également possible de se le procurer en librairie au coût de 17,95 $.

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