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Film • Red Rocket

4 mai 2022
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Sean Baker est un réalisateur et scénariste américain connu pour ses films indépendants tels que The Florida Project (2017) et Tangerine (2015) mettant en scène des personnages issus de communautés en marge de la société américaine contemporaine. Empreintes d’humour, mais surtout de réalisme et d’humanité, les œuvres de Baker sont dénuées des artifices qu’on retrouve dans les films hollywoodiens traditionnels. Les procédés narratifs du réalisateur sortent aussi du lot : on rencontre effectivement les protagonistes de ses films en plein milieu de leur histoire, sans connaître le début et sans avoir accès à une fin qui pourrait être considérée « satisfaisante ».

Red Rocket est une comédie dramatique qui suit les déboires de Mikey Saber qui est de retour dans sa ville natale du Texas alors que sa carrière d’acteur pornographique stagne. Paumé, il supplie son ex-femme et sa mère de le laisser vivre avec elles. Rapidement, une jeune employée d’un donut shop du nom de Strawberry lui tombe dans l'œil. Il fera des pieds et des mains pour que celle-ci s’en amourache, débutant avec elle une relation amoureuse, au cours de laquelle Mikey tentera de la convaincre de se lancer dans une carrière pornographique.

Bien qu’on puisse arguer que la relation entre Mikey et Strawberry soit tout à fait légal (au Texas) – ce que le protagoniste du film, tout comme Baker lui-même en entrevue, ne manquent pas de noter –, appelons un chat un chat : Red Rocket ne suit pas les hauts et les bas d’une relation amoureuse. C’est plutôt l’histoire d’un groomer¹ et d’un narcissique toxique qui voit en une jeune fille de 17 ans une façon de redorer son ego et de sauver sa carrière d’acteur pornographique. Sachant pertinemment qu’il joue sur la frontière de l’inacceptable, on peut se questionner sur les choix narratifs de Baker dans cette œuvre.  Le milieu du divertissement n’est-il pas déjà saturé de récits qui sexualisent les jeunes filles et qui romancent des relations toxiques? Qui plus est, Baker a nommé en entrevue qu’il était important pour lui que le personnage de Strawberry ait de l’agentivité. Pourtant, la représentation irréaliste de la sexualité de l’adolescente de 17 ans est loin d’être la preuve d’agentivité que le réalisateur souhaitait, renforçant plutôt l’objectification de celle-ci. 

Ironiquement, en entrevue, Baker mentionne que, avec Red Rocket, il souhaitait humaniser les travailleurs et travailleuses du sexe et explorer l’archétype du « suitcase pimp »², phénomène qu’il trouvait intriguant. On explique et excuse les comportements toxiques de Mikey en scandant qu’il n’est que le triste résultat du contexte socio-économique américain actuel. N’est-il pas plutôt le fâchant résultat du patriarcat et de la misogynie latente à la société américaine ainsi qu’au cinéma (celui-ci étant son reflet)?  

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¹  Le Cambridge Dictionary définit le terme « grooming » comme « the criminal activity of becoming friends with a child in order to try to persuade the child to have a sexual relationship ». 

² L’expression « suitcase pimp » fait référence aux hommes dont l’occupation est de gérer les affaires personnels et professionnels d’une travailleuse du sexe, généralement dans le milieu de la pornographie. Les « suitcase pimps » sont à la fois gérant de la carrière des travailleuses, mais également leur partenaire de vie, vivant au profit du travail qu’elles font.

Référence 

Réalisation/création : Sean Baker (A24)
Titre : Red Rocket
Date de parution : 2021

Ce film est disponible sur Amazon Prime VideoApple TVGoogle Play et Youtube.

 

cinéma, comédie dramatique, romance, adolescence, sexualité, pornographie, travail du sexe, grooming,