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Chronique • Un homme à la mer

18 novembre 2016
Guillaume Perrault, stagiaire en sexologie au Centre de Ressources pour Hommes de Montréal
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Qu’est-ce qu’un homme?

La question est légitime. La ligne qui distingue les hommes et les femmes n’est peut-être plus aussi claire qu’au siècle dernier. En effet, la définition de la masculinité varie grandement d’une culture à l’autre et d’une époque à l’autre. Ceci s’explique par le fait que les différences entre hommes et femmes ne seraient pas seulement attribuables aux gènes, mais qu’elles proviendraient aussi d’un contexte social donné (Castelain Meunier, 2013; Connell et Messerschmidt, 2005). On distingue ainsi le sexe biologique du genre. Non seulement on naît avec des organes génitaux masculins, mais il faut aussi « apprendre » à être un homme. C’est ce qu’on appelle la socialisation genrée (McCusker et Galupo, 2011). Les médias comme les films, la télévision, les publicités ou les magazines nous présentent certains modèles qui nous permettent d’apprendre ce que veut dire d’être un homme dans la société actuelle au même titre que les modèles masculins de notre entourage (Giaccardi et al., 2016). Ainsi, la question que nous devrions nous poser n’est pas « Qu’est-ce qu’un homme? », mais…

« Qu’est-ce qu’un homme dans la société québécoise d’aujourd’hui? »

Pour y répondre, il suffit de regarder autour de soi. Imaginons une cour d’école primaire typique. Un petit garçon pleure après s’être égratigné le genou. Que disent ses amis, ses parents ou les surveillants? Il n’est pas rare d’entendre des phrases comme « Sois un homme! », « Ne fait pas l’enfant! », « Les garçons, ça ne pleure pas » ou encore « Tapette », « Chochotte » ou « Moumoune ». Ces interventions rappellent au jeune garçon que l’expression des émotions n’appartient pas aux « vrais » hommes, mais aux filles, aux enfants ou aux homosexuels (McCusker et Galupo, 2011). Ce discours est typique d’une vision traditionnelle de la masculinité qui présente l’homme comme étant fort, indépendant, stoïque et hétérosexuel, et qui pose la recherche d’aide comme un signe de faiblesse (Connell et Messerschmidt, 2005; Galdas et al., 2005).

La plupart des hommes adoptent certaines nuances par rapport à ce discours. Il existe une certaine fluidité dans l’expression de la masculinité en fonction des individus. Cependant, il est très difficile de faire complètement abstraction des stéréotypes de genre. En effet, la socialisation genrée est présente dans tous les aspects de la vie. Les modèles hypermasculins sont constamment présents tant dans les médias que dans les interactions quotidiennes (Connell et Messerschmidt, 2005; Giaccardi, 2016). Or, ceux-ci ne sont pas toujours adéquats pour apprendre à composer avec les difficultés de la vie.

Tenir la tête hors de l’eau

Il est normal qu’une personne devienne vulnérable à un moment où à un autre de sa vie. Tou.te.s sont confronté.e.s à des difficultés, que ce soit la perte d’un emploi, les problèmes de santé physique ou mentale, les ruptures amoureuses ou quoi que ce soit d’autre.

Être en position de vulnérabilité, c’est comme être en train de se noyer.

Pendant un temps et avec beaucoup d’énergie, on peut garder la tête hors de l’eau. Parfois, un coup de chance nous permet d’améliorer notre situation. C’est la bouée. Toutefois, il arrive qu’on nage longtemps sans jamais avoir un moment de répit. Même le meilleur nageur du monde ne peut rester seul au milieu de l’océan indéfiniment.

La meilleure façon de se sortir de l’eau est d’aller chercher l’aide nécessaire. Cela peut être plus difficile pour les hommes que pour les femmes (Bass et al., 2016; Galdas et al., 2005; Yousaf et al., 2015). Cette disparité serait plus présente chez les hommes qui ont une vision traditionnelle de la masculinité (Bass et al., 2016; Galdas et al., 2005).

Ils ont intégré l’idée qu’un homme doit pouvoir s’occuper seul 
de ses problèmes, qu’il doit être fort pour sa famille, que si les 
autres peuvent gérer les difficultés qu’il vit, il devrait y arriver aussi.

Ainsi, les modèles masculins qu’ils ont connus vont forger leur attitude vis-à-vis de la recherche d’aide (Yousaf et al., 2015). Tenter de régler ses problèmes par soi-même peut signifier de laisser traîner les choses pendant longtemps et d’utiliser des stratégies inadéquates afin d’atténuer sa détresse (Audet, 2008; Lajeunesse et al., 2013). Pour reprendre l’image de l’homme qui se noie, imaginez qu’il utilise une bouée percée et qu’il attend d’être épuisé pour appeler à l’aide. Il y a fort à parier que le sauvetage devienne périlleux ou même que le bateau n’arrivera pas à temps.

De la même façon, un homme au bout du rouleau qui vient demander de l’aide en exprimant sa colère (aussi justifiée soit-elle) peut être mal reçu par plusieurs services (Lajeunesse et al., 2013). La recherche de soutien peut devenir un exercice pénible et décourageant.

Voici quelques facteurs qui peuvent aider les hommes dans la recherche d’aide :

1) Accepter que l’on vive des difficultés; 
2) Être ouvert à recevoir de l’aide; 
3) Garder une attitude calme et positive; 
4) Faire ses recherches sur les organismes et les institutions qui pourraient offrir de l’aide; 
5) Formuler clairement ses besoins et ses attentes; 
6) Aller chercher de l’aide avant que les problèmes s’aggravent;
7) Continuer à entretenir le réseau social et éviter de s’isoler.

Malgré cela, il est possible que le système de santé pose certaines barrières. L’accès à un.e médecin, les frais associés aux services ou les délais importants ne sont que quelques exemples de limites qui peuvent rendre la recherche d’aide difficile et frustrante (Lajeunesse et al., 2013). Comme professionnel.le.s, il importe de tenir compte de la réalité des hommes dans nos interventions. Cela signifie que l’intervention doit favoriser le maintien de la motivation, qu’elle soit axée sur la recherche de solution et l’acquisition de compétences et qu’elle offre aux hommes un espace pour exprimer leurs émotions sans craindre d’être jugés. En ce sens, la formation est une plus-value pour tout.e professionnel.e qui intervient auprès d’hommes adultes. Toutefois, il importe que la formation des intervenant.e.s s’accompagne de changements dans l’organisation même des institutions afin qu’elles soient plus accueillantes et plus réceptives aux besoins des hommes. Il est crucial que de nouveaux services dédiés aux hommes voient le jour afin de venir en aide à tous ces hommes qui n’entrent pas dans les cases conventionnelles.

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Références
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Pour citer cette chronique :

Perrault, G. (2016, 18 novembre). Un homme à la mer. Les 3 sex*https://les3sex.com/fr/news/247/chronique-un-homme-a-la-mer-  

homme, masculinité, culture, attitude, recherche d’aide, ressource, problème, difficulté, hypermasculinité, Guillaume Perrault

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