La petite dernière (surface du livre) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Roman • La petite dernière

2 février 2023
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Dans son premier roman La petite dernière, Fatima Daas propose une autofiction touchante sur l’identité. Contemporaine et intimiste, elle joue sur la forme et le rythme pour traduire la complexité de son expérience. Dans le métro, dans le bureau du médecin, dans la salle de classe, dans les bras d'une amante, dans la cuisine de sa mère, Fatima transgresse constamment les injonctions, parfois malgré elle. Mais le récit de Fatima dépasse la simple quête de cohérence, il raconte aussi l’ambivalence entre le désir de fusion avec l’autre et le besoin de s’en distinguer. Dans ses amours tant que dans sa spiritualité, Fatima réclame le droit de ne pas faire un choix. Asthmatique, garçon manqué, mauvaise élève, adolescente douée, musulmane, Française, Algérienne, polyamoureuse, la narratrice tente tant bien que mal d’incarner tout ce qu’elle est, de recoller les morceaux de son identité fragmentée.

Fatima Daas a choisi l’autofiction plutôt que l’autobiographie. Si la narratrice porte bien le nom de l’autrice, c’est qu’il s’agit en fait d’un pseudonyme qu'elle utilise pour protéger les siens. Celle-ci a, tout comme la narratrice, grandi une bonne partie de sa vie à Clichy-sous-Bois, en banlieue parisienne. Elle est remarquée à la rentrée littéraire française de 2020 grâce à La petite dernière. Elle écrit avec un rythme proche du slam, tout en citant Marguerite Duras¹. Et c’est ce qui est unique dans l’écriture de Fatima Daas – elle ne fait pas de compromis sur la réalité. Elle ne lisse pas l’image de son quartier populaire ni de sa famille pour résister aux préjugés islamophobes. Plutôt, elle nous invite dans la complexité de ce qui la traverse, le lot de normes culturelles en tension sur lequel elle danse en funambule. 

La sexualité de Fatima est au cœur de ses préoccupations identitaires. Entre l’homophobie ambiante et l’inéluctabilité de son désir pour les femmes, Fatima se voit constamment désorientée dans ce qui la définit. Elle consulte des imams, elle prend réconfort auprès de ses amantes, mais ne compte au fond que sur elle-même. À défaut de répondre aux exigences de ses parents et des imams qu’elle rencontre par rapport à sa sexualité, Fatima crée aussi son lien unique à Dieu et à l’Islam, dans l'amour et non dans la contrainte. L’écriture est pour la narratrice un lieu où sa foi n'est pas incohérente avec sa sexualité. Elle peut se permettre d'y faire exister toutes les parties d'elle-même. Par ailleurs, le roman trace habilement combien l’identité sexuelle et l’identité de genre ne se vivent pas en vase clos. Car Fatima n’est pas que lesbienne, elle est aussi le garçon qu’attendait son père. La petite dernière qui aurait dû être le petit dernier – serait-ce le signe précurseur de son écart aux normes de genre? À travers son sentiment d'étrangeté face au genre tel qu'on lui impose, Fatima nous rappelle également que le genre et la sexualité sont impérieux. Qu’aussi fort que nous pourrions le souhaiter, il nous est impossible de se défaire de nous-mêmes. 

***

¹Marguerite Duras est une romancière et autrice dramatique ayant marqué la littérature française du 20e siècle. Elle eut un grand succès entre autres avec son roman L’Amant, prix Goncourt en 1984.

Référence 

Auteur.e : Fatima Daas
Titre : La petite dernière
Date de parution : Le 2 novembre 2020 (au Québec)
Maison d’édition : Notabilia

Ce livre est disponible en format papier, en livre audio ou en braille à la BANQ.  Il est également possible de se le procurer en librairie au coût de 29,95$.

religion, Islam, orientation sexuelle, lesbienne, tabou, homosexualité, désir, culture algérienne.