Women Talking (affiche du film) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Film • Ce qu’elles disent

8 mars 2023
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Dans ce long-métrage paru en décembre 2022, Sarah Polley, cinéaste torontoise, ajoute un nouveau film à son registre d'œuvres féministes et militantes. Elle fait ici un choix aussi audacieux que calculé en ayant une distribution presque uniquement composée de femmes et d’enfants, sauf un personnage, August (Ben Whishaw). Ce dernier se retrouve dans une situation bien particulière : on lui demande d’effectuer le procès verbal d’une réunion de femmes qui délibèrent au sujet des mesures à prendre face à une situation de crise dans leur communauté. Une communauté qu’elles appellent « la Colonie », et qui est organisée autour de principes religieux strictes, selon un mode de vie traditionaliste et conservateur (similaire à la communauté amish, par exemple).

Sarah Polley, dès la première minute du film, met tout de suite la table : tous les hommes de la Colonie sont expulsés momentanément, suite à la révélation publique d’une série de violences à caractère sexuel commises sur l’ensemble des femmes et des filles de la communauté. Celles-ci se réveillaient, au matin, avec les vestiges des agressions, souvenirs inscrits dans leur chair (blessures, complications telles des infections, grossesse…) et non dans leur conscience. Elles découvrent que du tranquillisant à cheval est utilisé afin de permettre aux agresseurs de mettre en place cette pratique collective.

La réponse est toute aussi collective : elles organisent un vote.
Ne rien faire.
Rester et se battre.
Partir.
Trois options. Un débat existentiel. Qu’un petit groupe de femmes, entre autres composé d’Ona (Rooney Mara), de Salome (Claire Foy), de Mariche (Jessie Buckley), de Greta (Sheila McCarthy), de Mejal (Michelle McLeod) et d’Agata (Judith Ivey), décide de porter sur ses épaules.

C’est cette délibération que le film observe, dans une volonté de montrer comment la pensée collective peut se former, se déformer, se transformer, se contredire, et aboutir. Une vitrine privilégiée sur des sujets qui font débat dans les mouvements féministes depuis des décennies, montrant bien les nuances et subtilités pouvant se déployer dans ceux-ci. Les personnages féminins incarnent tous – de façon assez caricaturale, certes – un archétype associé à un type de féministes dans la culture populaire. L’utopiste, la hargneuse, la révoltée, l’apathique, la désemparée, la solidaire, l’individualiste… Personnages faciles et peu complexes, qui reproduisent malgré eux des stéréotypes de genre plutôt classiques. La force de ce film réside cependant dans le fait que c’est l’assemblage de ces personnalités qui donnent plusieurs couches de complexité au scénario, puisque ensemble, ces femmes réussissent tout de même à s’engager dans une réflexion profonde et émancipatoire.

C’est dans une ambiance terne et des couleurs lavées que l’action se déroule, créant une atmosphère lente qui dénote de la lourdeur du sujet. Quelques longueurs et redondances dans les plans affadissent parfois l’attention. Toutefois, ce film demeure touchant, en déployant une humanité fragile et forte, magnifiquement bien incarnée par des actrices (et acteur) talentueuses.

Référence 

Réalisation/création : Sarah Polley
Titre : Women Talking
Date de parution : 2022

Le film est présentement à l’affiche au Cinéma du Parc.

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