[The Watermelon Woman] – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Film • The Watermelon Woman

7 avril 2023
Gabrielle Rioux
px
text

☛ This article is also available in English [➦].

Étant le premier long-métrage réalisé par une femme lesbienne noire au monde, The Watermelon Woman est un incontournable du cinéma queer. Dans ce docufiction, la réalisatrice Cheryl Dunye joue elle-même le rôle principal, celui d'une jeune cinéaste travaillant dans un club vidéo, surnommée elle aussi Cheryl. Fascinée par les actrices noires et leur invisibilisation dans les films des années 30 et 40, la protagoniste tentera tant bien que mal de retrouver l’identité d’une actrice ayant joué un rôle de « mammy »¹, créditée au générique comme étant « The Watermelon Woman ». Nous découvrirons alors, au fil de ses recherches, l’histoire de Fae Richards. Si le générique du film nous apprend que cette fameuse « Watermelon Woman » est finalement un personnage fictif imaginé par Dunye, l’effacement des femmes noires de l’histoire du cinéma est pourtant cruellement réel et la réalisatrice sait user des codes du documentaire pour dénoncer cette violence. 

La mise en abyme que crée Dunye sert habilement son propos. Lors de la production de The Watermelon Woman, celle-ci s’est elle-même butée à l’inaccessibilité de certaines archives, si bien qu’elle a dû les inventer à l’aide de la photographe Zoe Leonard. À l'époque, le film sera également l’objet d’une controverse, puisqu'une journaliste du Washington Times critiquera le fait que Dunye ait reçu des fonds de l’État. Scandaleux était alors qu’un film contenant une scène érotique lesbienne ait été financé par les contribuables états-unien.ne.s. Devenu aujourd’hui une pièce d’anthologie, ce film a été sélectionné afin d'être préservé au National Film Registry par la Bibliothèque du Congrès aux États-Unis.

Novatrice, Cheryl Dunye taille une brèche dans l’imaginaire cinématographique et fait entendre des voix lesbiennes noires trop longtemps réduites au silence. Avec son humour perspicace et vif, elle met en scène des moments quotidiens, entre amoureuses et entre amies, où la protagoniste est traversée par des enjeux similaires à ceux que vivaient « The Watermelon Woman ». Les parallèles finement tracés entre leurs vécus d’oppression nous permettent d’ancrer les défis vécus par Cheryl Dunye dans une compréhension plus large de la représentation des femmes noires et lesbiennes dans le milieu du cinéma. 

« Je suis une réalisatrice lesbienne noire, qui commence à peine, mais je vais en dire 
beaucoup plus et j'ai encore beaucoup de travail à faire. »²

***

¹ Stéréotype raciste au sujet des femmes noires travaillant au sein de familles blanches. Celles-ci sont dépeintes comme ayant un caractère chaleureux ainsi qu’une attitude maternante et soumise.
² Extrait du film [Traduction libre]

Référence

Réalisation/création : Cheryl Dunye
Titre : The Watermelon Woman
Date de parution : 5 mars 1997

Ce film est disponible sur Kanopy

Féminisme noir, Afro-Américain, cinéma queer, racisme, docufiction, cinéma indépendant, représentation LGBTQIA2S+