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Témoignage • Quand moi aussi j’insistais

1 décembre 2023
Malicia
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.

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Te reconnais-tu?  

C’est vrai que la violence subtile dans les relations fait du tort à tout le monde. Tant les  personnes qui la subissent, que les personnes qui la perpétuent. J’ai été une de ces  personnes qui a fait subir de la violence sans en avoir conscience, au moment où cela est arrivé.  

Je suis une femme dans la trentaine. Culturellement, je viens d’un pays où ce sont les hommes qui font des avances aux femmes. Au Québec, j’ai souvent entendu dire que  c’était l’inverse. Je l’ai remarqué aussi, et je cherchais alors à m’adapter. J’aimais ça, prendre les devants, car cela me donnait l’illusion que j’étais une femme avec de l’assurance. Je n’avais pas conscience que cela pouvait être perçu et vécu comme une forme de harcèlement.  

Tu sais, j’avais même la conviction que comme je suis une belle femme, on ne pouvait pas me dire non. Bullshit.  

J’ai rencontré Kyle sur les réseaux sociaux. Il était à mon goût, et il me fuyait un peu, ce qui me motivait encore plus. Nous alimentions sans le savoir une dynamique de violence. Il m’avait dit qu’il avait d’autres prétendantes. Je me sentais en concurrence avec « les autres » – je voulais être celle qu’il allait choisir.  

On se parlait beaucoup sur Internet et nous nous sommes rencontré.e.s seulement deux fois. La toute première a eu lieu dans un bar, un rendez-vous classique, un soir en ville. À l’époque, j’étais persuadée qu’une date réussie devait se terminer par du sexe : c’était souvent ce que les hommes que je rencontrais me faisaient sentir. Avec Kyle, à la fin de notre  première rencontre, j’ai insisté pour que l’on « termine ça ». Il ne voulait pas, précisant qu’il était fatigué et voulait rentrer se coucher. J’ai flirté avec lui, je l’encourageais à me toucher et je le touchais, je voulais absolument qu’il ait envie de moi, j’étais centrée sur mon besoin et j’ai totalement nié le sien. Il a cédé et nous avons couché ensemble dans sa voiture.  

À ce moment-là j’étais satisfaite, cet acte comblait mon besoin de validation, de  désirabilité, d’agentivité, d’estime et de confiance en moi. Comme j’avais peu confiance en moi, cela me rassurait.  

Des années plus tard, j’ai réalisé que j’ai agi ainsi par manque d’amour-propre, par peur du rejet, et un peu aussi par dépendance affective.  

J’ai arrêté de courir après Kyle parce que j’avais la sensation qu’il jouait avec moi. Finalement nous étions deux à jouer à un jeu malsain. Je lui en ai longtemps voulu, mais quand j’ai commencé à réfléchir à ma façon d’agir avec lui, j’ai pris conscience de mon rôle. Peu importe comment il a agi avec moi, il ne méritait pas que je lui impose mes envies.

J’assume qu’une ancienne version de moi a été violente, et j’ai de l’empathie pour cette  ancienne version qui ne le voyait pas. Ma prise de conscience, je l’ai faite seule (et grâce à des formations). Ce qui m’a aidé à réaliser comment j’agissais avec le monde, c’est de développer ma capacité à m’aimer, au lieu de chercher l’amour et l’approbation à l’extérieur de moi, chez une autre personne. Parce qu’en fait c’était à moi de surmonter ma dépendance affective. 

Aujourd’hui, je suis fière du chemin parcouru. Je n’efface pas le passé et je suis  sincèrement désolée d’avoir été cette version de moi.  

Ce qui me permet de ne pas revenir à cette ancienne version de moi, c’est de  continuellement développer l’amour de soi, et d’avoir remplacé ma croyance de « il est  impossible de me faire dire non » par « si on me dit non, je n’en reste pas moins aimable. On n’est juste pas fait.e pour être ensemble et c’est ok ainsi ». 

Ce que je retiens de cette expérience, c’est qu’il est possible de modifier ses  comportements problématiques pour atteindre un niveau d’harmonie et d’équilibre dans  les relations aux autres. Pour cela, il faut réussir à se regarder en face, à se pardonner et à  se donner beaucoup d’amour, d’empathie et de bienveillance.  

Nous avons tou.te.s la capacité de créer des relations dénuées de violence insidieuse, et pour cela, la prise de conscience est le premier pas nécessaire vers le  changement.  

Tu sais, je te souhaite d’aller vers la meilleure version de toi et de t’aimer en premier,  tout en respectant les autres.

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Ce témoignage s'inscrit dans le projet «Te reconnais-tu? Parlons des violences insidieuses. » présentatant un appel à témoignages, une campagne de sensibilisation et un outil.

Pour en savoir plus sur le projet
harcèlement, violence subtile, violence conjugale, sensibilisation, incompréhension, prévention, thérapie, travail sur soi, évolution

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