Cher journal; une mutation (affiche de la pièce) – Photo modifiée par Les 3 sex* – Utilisation équitable

Théâtre • Cher journal; une mutation

4 octobre 2024
Léa Delambre , Flora Collette
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Cher journal; une mutation, une œuvre signée Pénélope Deraîche-Dallaire, se distingue par son approche audacieuse. Dès l'entrée, la scène immersive capte l'attention : l’audience est transportée dans une atmosphère organique, agrémentée de stalactites de tissu évoquant des formes champignonnesques, et d'une bande-son où les chants d'oiseaux s'entrelacent avec des grondements évoquant la profondeur de la terre. La présence d'une lagune laiteuse et de personnages en costumes intrigants renforce l'idée d’un espace à la fois naturel et fantastique.

Pénélope Deraîche-Dallaire est une metteuse en scène, comédienne, actrice physique et professeure de yoga. Elle a complété une maîtrise en théâtre à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle détient une riche expérience en théâtre, à la télévision, au cinéma ainsi qu’en doublage. Cher journal, une mutation est son œuvre la plus récente.

La pièce se construit autour des réflexions intimes de Deraîche-Dallaire, qui livre des extraits de son journal intime, abordant avec une grande sincérité sa vie de mère solitaire. Ses mots sont chargés de doutes, de fantasmes et d'espoirs, mais aussi d'une critique sociale percutante sur des sujets tels que les féminicides et les désirs ambigus. La structure du texte, fragmentée, reflète les éclats d'émotions qui émergent de son expérience, créant un récit qui, bien que parfois chaotique, se révèle profondément stimulant.

L'un des moments les plus marquants de la pièce est sans doute la scène où Deraîche-Dallaire se défoule sur une version métal de la chanson I feel like a Woman. L'impact émotionnel et la joie palpable de cette scène laisse le public en demander davantage. De plus, les jeux physiques des interprètes, notamment la danse au poteau qui rendait la pièce unique, étaient impressionnants par leur intensité et leur créativité. Ils apportaient une dimension non verbale et performative qui transcende le texte et enrichit l'interprétation. L'utilisation habile du corps comme moyen d'expression est un véritable atout de la pièce.

Cependant, la pièce manque de fil conducteur. Le public peut se retrouver désorienté face à la multitude de thèmes abordés, tels que les féminicides, les rôles sociaux genrés, la sexualité, la colonisation et le rapport à la terre. Les transitions abruptes entre les scènes et l’absence d’un fil narratif clair peuvent laisser un sentiment de confusion. Cela peut créer une frustration, en particulier pour ceux et celles qui cherchent à établir des connexions logiques entre les différentes idées présentées.

En ce qui concerne les thématiques évoquées, il semble que l'auteure ait voulu aborder des sujets aussi complexes que la colonisation et le rapport à la terre. La pièce se déroule dans la nature et le personnage principal se développe une nouvelle passion pour la chasse. Le rapport à la terre semble avoir été montré par une métaphore entre la fertilité de la nature et celle de la mère. Telle la terre qui est le réceptacle de la semence et qui donne naissance à la vie, la mère porte l’enfant et lui donne naissance. De plus, la métaphore du champignon explore les interrelations entre les êtres vivants et la terre. En effet, en tant qu'organisme à la fois discret et essentiel, le champignon incarne l'interconnexion de tous les éléments de la nature, soulignant l'idée que chaque être a un rôle à jouer. Aussi, le cycle de vie du champignon, qui pourrit, meurt et se dévoue au développement des autres être vivants, ajoute une métaphore entre le rapport à la terre et les rôles sociaux des femmes, où il est attendu qu’elles se dévouent aux autres jusqu’à s’oublier et ce, tout au long de leur vie. Bien que la thématique du rapport à la terre soit explicité clairement, la thématique de la colonisation ne l’est pas autant. En effet, mis à part la phrase « je suis une colonne blanche », qui a été répétée quelques fois, la thématique de la colonisation aurait pu être davantage claire et développée dans la pièce.

Cher journal est une œuvre captivante et émouvante, où la mise en scène immersive et la sincérité des réflexions personnelles créent une expérience unique. Malgré quelques lacunes narratives, la pièce réussit à toucher des thèmes profonds comme la maternité et l'interconnexion avec la nature.

Référence 

Un projet de: Pénélope Deraîche-Dallaire
Interprètes : Catherine Beauchemin, Catherine Cédilot et Pénélope Deraîche Dallaire
Titre : Cher journal; une mutation
Date de parution : 17 septembre 2024
Lieu : Espace libre

théâtre, maternité, féminicide, féminisme, expérience, écoféminisme, critique, culture