Rawpixe/McKinsey – Photo modifiée par Les 3 sex*

Lettre ouverte • Les enfants ont droit à leur autodétermination

14 novembre 2024
Les 3 sex*
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Les droits des enfants trans ne cessent d’être attaqués et remis en question. Par exemple, l’Alberta a déposé un projet de loi le 31 octobre dernier pour limiter l’accès aux soins d’affirmation de genre pour les mineur.e.s trans (Taschereau, 2024). Au Québec, la situation se précarise et des organisations se mobilisent pour aussi attaquer les droits des enfants. Les 3 sex* souhaite dénoncer cette mobilisation et affirmer, haut et fort, que nous soutenons les enfants trans.

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Le 20 septembre dernier avait lieu une manifestation organisée par Ensemble pour protéger nos enfants, un organisme fondé en 2023 dont la mission est « la protection des enfants et du droit de leurs parents de leur donner une éducation morale ». Mais les protéger de quoi exactement? 

Le discours de cet organisme se base sur le « droit parental » à une éducation qui correspond à la moralité et aux valeurs des parents qui sauraient mieux que quiconque comment éduquer leurs enfants. Cette croyance écarte le travail de professionnel.le.s ayant reçu une formation sur le développement psychologique, social, physique, mental des enfants et qui ont développé une expertise sur leur bien-être et dont le travail est balisé par des ordres professionnels et par des méthodes d’interventions ou de pédagogie.

De façon plus large, la Convention Internationale des droits de l’enfant énonce plusieurs droits protégeant, justement, les enfants de toute injustice et stipule donc que : 

  • « Tous les droits s’appliquent à tout enfant sans exception. L’État a l’obligation de protéger l’enfant contre toute forme de discrimination et de prendre des mesures positives pour favoriser le respect de ses droits »;
  • « L’enfant a le droit, dans toute question ou procédure le concernant, d’exprimer librement son opinion et de voir cette opinion prise en considération »;
  • « L’enfant a le droit d’exprimer ses vues, d’obtenir des informations et de faire connaître des idées et des informations, sans considération de frontières »;
  • « Les enfants ont le droit de se réunir et d’adhérer à des associations ou d’en former. »

Ces droits, ratifiés par 197 États dont le Canada, (soit « le traité relatif aux droits humains le plus largement adopté de l’histoire », UNICEF France, 1989) mettent en lumière la primauté du droit au libre arbitre des enfants sur le « droit parental » qui n'est inscrit dans aucun texte de loi dont le Québec et le Canada sont imputables.

Les enfants ont besoin de notre soutien, de notre accompagnement et de notre amour inconditionnel. Les enfants sont des êtres humains à part entière qui méritent qu’on les écoute et qu’on les prenne au sérieux. Particulièrement, les enfants LGBTQ+. 

En effet, ce sont les enfants LGBTQ+ qui sont les plus à risque de vivre du harcèlement et de la violence à l’école. Plus précisément, 38,6 % des élèves du secondaire dans l’étude de Richard et Chamberland (2014) rapportent avoir vécu de l’intimidation en contexte scolaire en raison de leur orientation sexuelle (homosexuelle ou bisexuelle), qu’elle soit réelle ou perçue. Aussi, 69 % des participant.e.s LGB disaient avoir subi un incident de nature homophobe (intimidation, discrimination, etc.) (Richard et Chamberland, 2014). Selon un recensement de Statistique Canada (2022), « 10 % des jeunes, de 15 à 17 ans, transgenres ou non binaires ou qui éprouvent une attirance pour des personnes du même genre ont subi deux ou plusieurs incidents d’intimidation toutes les semaines ou tous les jours, comparativement à 6 % des jeunes cisgenres attirés uniquement par des personnes d’un genre différent. »

Le soutien des parents est l’un des plus grands facteurs de protection pour le bien-être des enfants trans (Trevor Projet, 2021). L’acceptation de la famille durant l’adolescence entraîne des conséquences positives au niveau de la santé pendant la période de l’adolescence et de jeune adulte, telles qu’une augmentation de l’estime de soi, un meilleur soutien social et une meilleure santé générale. En revanche, l'absence d'acceptation familiale expose les jeunes à des répercussions négatives telles que la dépression, l'abus de drogues ou d'alcool, les idées suicidaires et les tentatives de suicide. (Ryan et al., 2010). Lorsque les enfants LGBTQ+ se sentent soutenu.e.s par leurs proches, leur risque de suicide diminue (The Trevor Project, 2021). 

Ne pas inclure l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans l’éducation des enfants est un risque énorme pour la santé physique et mentale des jeunes LGBTQ+. Pour réellement protéger ses enfants dans leur bien-être global, il faut les accepter pleinement. Pas comme la personnification d'un idéal parental déconnecté des besoins de l'enfant. 

Nous croyons que la rhétorique de Ensemble pour protéger nos enfants invalide la réalité de milliers de personnes, notamment car elle participe délibérément à la propagation d’informations fausses et biaisées. Ensemble pour protéger nos enfants diffuse notamment de la mésinformation liée à la transition en tant que personne mineure au Québec, notamment que « la puberté n'est pas une maladie et les hormones bloquant la puberté peuvent être dangereuses » ou que « conditionner les enfants en leur faisant croire qu'il est normal et sain de se faire passer pour le sexe opposé par des moyens chimiques et chirurgicaux tout au long de sa vie est une forme de maltraitance ». Or, les bloqueurs de puberté sont réversibles, n’ont pas d’impact négatif sur la santé physique, et, au contraire, ont un impact positif sur la santé mentale en diminuant la potentielle dysphorie de genre (Beauchene Lévesque, 2024; GRS Montréal, 2024). Comparer les chirurgies de réassignation de genre à de la maltraitance est trompeur, car cela sous-entend qu’il y a une pression et ne prend pas en compte les besoins de la personne y ayant recours. Rappelons qu’il n’y a pas d’opérations d’affirmation de genre avant l’âge de 18 ans au Québec (sauf la mastectomie, possible à partir de 16 ans) et que la demande de changement de mention de sexe doit être fait avec l’accompagnement d’un.e professionnel.le (Beauchene Lévesque, 2024; GRS Montréal, 2024).

Acquérir des connaissances sur les orientations sexuelles, l’identité de genre et l’expression de genre, que ce soit dans le cadre de cours d’éducation à la sexualité ou à travers les médias (séries télé, films, personne créatrice de contenu sur les réseaux sociaux, etc.) est bénéfique. Cela permet notamment aux personnes LGBTQ+, et particulièrement aux personnes trans, non binaires ou en questionnement – celles précisément visées par Ensemble pour protéger nos enfants – de ne pas se sentir seule, d’avoir un modèle et d’aider à mieux se comprendre. Il est également essentiel que tout le monde approfondisse sa compréhension des réalités LGBTQ+ pour favoriser une meilleure compréhension mutuelle, développer l'empathie envers autrui et permettre de mieux répondre aux besoins physiologiques et mentaux des autres, contribuant ainsi à créer une société plus inclusive pour l'ensemble de la population.

L’éducation sauve des vies. 
Protégeons les enfants trans. 
Les droits trans sont des droits humains!

Le 20 septembre dernier, des groupes de défense pour les personnes LGBTQ+, des organismes LGBTQ+ et alliés ainsi que des militant.e.s se sont réuni.e.s afin de dénoncer les propos et le discours alarmiste de l’organisme Ensemble pour protéger nos enfants.

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Références
éducation à la sexualité, santé sexuelle, consentement sexuel, sexualité saine, éducation de l’enfant, enseignement, milieu scolaire, précaution, pratique sexuelle, primaire, secondaire, sensibilisation

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