Alors qu’elle purge une peine de prison après avoir vendu de la drogue pour financer sa chirurgie de réassignation sexuelle, Leni (Thea Ehre) vient d’être libérée à condition d’aider son ex-amant policier Robert (Timocin Ziegler) à infiltrer un trafic de drogues. Le faux couple s’inscrit notamment à un cours de danse fréquenté par Victor, ancienne connaissance de Leni et cible de l’enquête, et Nicole, sa partenaire. Leni et Robert commencent un jeu de rôle dangereux où les limites parfois se brouillent, parfois se durcissent.
Christoph Hochhäusler, né en 1972 à Munich, est l’un des principaux réalisateurs de l’école dite « de Berlin ». Il a d’abord étudié l’architecture avant de fréquenter l’école de cinéma HFF de Munich. L’ensemble de ses longs métrages a été inclus dans la programmation officielle de différents festivals internationaux de cinéma dont Cannes, Berlin, Rome ou Locarno, et ont reçu de nombreux prix. Fondateur et coéditeur de la revue Revolver, il a joué un rôle clé dans le renouveau du cinéma allemand. Il a également été maître de conférences à l'Académie allemande du cinéma et de la télévision de Berlin de 2017 à 2021. Le film Jusqu’au bout de la nuit (Bis ans Ende der Nacht, 2023) est son sixième. L’actrice trans Thea Ehre, qui y joue superbement Leni, a reçu l’Ours d’argent de la meilleure performance dans un second rôle à la Berlinale de 2023.
Sous couvert d’un scénario de drame policier vu et revu, le film Jusqu’au bout de la nuit raconte surtout une histoire de relation toxique et de transphobie, avec une fin libératrice (et ça, on adore!).
La libération de Leni dépend de la bonne conduite de l’enquête. Elle doit donc convaincre Victor et Robert de lui faire confiance – elle connaît le poids de la performativité de sa subjectivité. Elle est loin d’être dépossédée de ses capacités et se révèle être un personnage complexe, flamboyant et ingénieux qui saura se libérer de ses carcans. Alors que l’actrice Thea Ehre a remporté un prix pour un second rôle, c’est pourtant le personnage de Leni qui tient tous les liens de l’intrigue et qui en est la clé de voûte.
De son côté, Robert, policier aux cheveux longs arborant un look punk-rockeur, ne semble pas correspondre à la représentation qu’on se fait de l’autorité. Pourtant, son attitude dominante et humiliante à l’égard de Leni, la personne dont il a été amoureux et qui a transitionné, fait l’effet d’un rappel constant des violences masculines et structurelles quotidiennes, sournoises et intimes que peuvent vivre les femmes trans.
On ne peut pas passer à côté de la relation de sororité entre Leni et Nicole. Dans un monde où la violence, la suspicion et le crime appartiennent aux hommes, c’est entre femmes que la complicité et le réconfort se créent. Cette amitié deviendra un précieux refuge pour Leni, dans lequel elle s'émancipera de la coercition de Robert et se permettra de devenir elle-même.
Toute la subtilité de ce thriller queer réside dans l’incroyable mise en scène de vécus trans sans que cela soit nommé, uniquement infusée dans les dynamiques relationnelles. La trame du film se révèle à travers ses différentes couches de lecture que l’on ne soupçonne pas, et dont la fin est un éblouissement.
Référence
Réalisation/création : Christoph Hochhäusler
Titre : Bis ans Ende der Nacht
Date de parution : 2023
Lien Arte (vpn nécessaire) [➦]