Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.
Elle :
[en pleurs] Je t’aime.
Lui :
[dubitatif] Pourquoi tu pleures?
Elle :
Parce que ça me fait peur.
Lui :
Moi aussi je t’aime. Et ça fait un moment que ça me brûle les lèvres.
Elle a peur d’être contrôlée, blessée, emprisonnée, dépossédée de son agentivité. Elle a été célibataire pendant plus de trois ans. Par choix. Par envie de liberté. Par traumatisme d’une ex-relation empreinte de gaslighting, de manipulation émotive, de brûlures de l’âme, de destruction de la confiance en soi.
Elle s’est dit que plus jamais elle ne retournerait dans ce genre de situation. Une relation où l’exclusivité a un goût doux-amer de possession fusionnelle. De fusion possessive.
Elle :
Je ne veux pas être en couple fermé. Je ne veux pas être TOUT pour une seule personne. Et demander à quelqu’un d’être TOUT pour moi, de remplir tous mes besoins. Ce n’est pas réaliste. Ça crée des attentes qui ne peuvent être assouvies, des déceptions irréconciliables.
Lui :
Je ne veux pas. Ça me fait peur. Quand j’aime quelqu’un, je ne vois qu’elle. J’ai peur de te perdre.
Elle :
Si tu m’étouffes, tu vas me perdre.
Lui :
Et si tu rencontres quelqu’un avec qui tu t’entends mieux? Que tu préfères? Moi je deviens quoi?
Elle :
Ça n’arrivera pas si on prend soin l’un.e de l’autre. Tous les jours. Qu’on ne se prend jamais pour acquis. Qu’on travaille à se séduire perpétuellement. Prendre l’autre pour acquis, c’est la mort du couple. Savoir que l’autre vit autre chose, ça donne de la puissance à notre envie de le reconquérir. Tous les jours.
Lui, son traumatisme, c’est de s’être fait tromper, jouer dans le dos... utiliser. Il a peur d’être un chum qui bouche les trous. Qui panse les plaies qu’ont fait les autres, puis qui cède sa place au prochain. Plus attirant, plus intéressant, nouveau.
Il a peur d’être une roue de secours, un état de transition, une bouée momentanée. Il était célibataire depuis un bout et s’était résigné à ne plus jamais rencontrer quelqu’un pour partager sa vie. Il avait assumé son existence de garçon seul et meurtri par les gens. Les chutes étaient trop lourdes à porter pour que ça en vaille la peine. Les déceptions trop grandes pour que le jeu en vaille la chandelle.
Quand deux oiseaux blessés se rencontrent, une étrange force les attire. Mais leurs peurs battent des ailes en sens inverse. Elle voulait l’immensité du ciel, lui cherchait la sécurité du nid. Pouvait-on inventer un vol à deux – irrégulier, sinueux – où leurs trajectoires s’accorderaient, comme une danse fragile et libre?
Lui :
Ok. Donne-moi six mois. C’est tout ce que je demande. Six mois juste nous deux. Que je me fasse à l’idée. Que je me prépare mentalement.
Elle :
Mais ça changera quoi?
Lui :
S’il-te-plaît. Promets-le-moi.
Elle :
Et dans six mois?
Lui :
Peu importe ce qui se passe. Tu feras ce que tu veux. Dans six mois.
Elle :
Mais je ne veux pas faire « ce que je veux ». Une relation, ça se discute. Le cadre, les règles, les contours...
Lui :
Dans six mois. S’il-te-plaît. Donne-moi ça.
Elle :
Ok.
Elle lui a offert plein de livres sur les relations qui sortent des sentiers battus. Il et elle ont parlé. Beaucoup. Puis plus du tout. Le six mois est arrivé à échéance. Ça fait déjà quatre mois que le sujet n’est plus abordé. Elle a peur. Il redoute.
La conversation est repoussée en arrière-plan. Il et elle ne font que s’aimer. Et c’est déjà bien.
Parfois, la simple idée suffit à assouvir une envie. Parfois, on s’endort dans un confort routinier. Elle ne sait pas encore dans laquelle de ces deux options elle se trouve. Mais elle va bien finir par le découvrir.
Et quand elle le fera, ça sera avec lui. Parce qu’elle s’est rendue compte que toutes les peurs peuvent être guéries. Et s’il a été capable d’apaiser la sienne, elle en sera elle aussi capable à son tour.
Elle n’a plus peur qu’il l’enferme.
Elle veut lui montrer qu’il n’a plus à avoir peur de se faire utiliser.
Dans une relation plurielle, la beauté, c’est de se choisir, tous les jours. En revenant toujours vers lui, elle fera bien plus que de le choisir une seule fois. Elle le choisira mille fois. Et ça, c’est mille fois plus de preuves d’amour. C’est mille fois plus de preuves qu’elle ne l'utilise pas, qu’elle ne s’en sert pas comme bouée momentanée, comme roue de secours, qu’elle ne bouche aucun trou de son existence avec sa présence.
Quand on aime une fleur pour ce qu’elle nous apporte, on la cueille.
Quand on l'aime pour ce qu'elle est, on la contemple et la laisse en terre.
Amatrice de plantes, elle compte sur son pouce vert pour lui permettre de faire s’épanouir la fleur qui pousse entre elle et lui. Le fertilisant des escapades, le désherbage des parasites, la lumière, l’amour et l’eau fraîche.
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