6 juillet 2019
Eden Fournier (coordinatrice) et Hamza Abouelouafaa (photographe et concepteur)
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Ce projet photo vise à déconstruire le mot-clic #BeachBody par le biais d'une série de portraits afin de mettre en lumière le rapport complexe qu’entretiennent de nombreuses personnes avec le dévoilement de leur corps lors de l'arrivée de l'été. #BeachBody génère près de 11 millions de publications sur Instagram. Un coup d’œil rapide à ces photos permet de relever que la plupart des publications ayant trait au corps à la plage font la promotion d’idéaux corporels genrés axés sur la minceur et une musculature prononcée.
En juillet, avec la réouverture des piscines, Les 3 sex* a publié sur son Instagram (@les3sex) 15 portraits de Montréalais.e.s réalisés par Hamza Abouelouafaa (@garconperdue) afin d'encourager le public à se réapproprier le mot-clic.
Par leurs témoignages, les modèles réitèrent que l’image corporelle et l’estime de soi sexuelle se voient influencées par l’interaction de plusieurs marqueurs sociaux tels que l’identité de genre et l’appartenance à des communautés marginalisées ou racisées.
Reflétant la diversité des corps et des parcours liés à l’acceptation de soi, le projet #BeachBody souhaite proposer de nouveaux modèles auxquels s’identifier et rappeler qu’un beach body n’est, au final, qu’un corps à la plage.
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J'ai consacré trop de temps et d'énergie aux régimes, à détester mon corps et à me comparer aux autres. Il arrive un moment où il faut apprendre à lâcher prise, à aimer ses imperfections et à tout simplement être grateful pour notre corps qui nous porte durant toutes ces années et qui nous permet de faire tout ce qu'on fait au quotidien. Certes, y'a des moments où j'haïs ma face ou mon ventre, mais ça finit par passer.
-Jessica
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Bien que j'adore mes fesses, j'ai plus de difficulté à les assumer depuis que j'ai de la cellulite. Le problème, c'est que dans les publicités, les mannequins aux courbes mettent pleinement en valeur leurs fesses, mais en post-production, les vergetures et la cellulite disparaissent. Comment sommes-nous censées apprécier notre corps au naturel après ça?
-Anne-Sophie
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Je n'ai pas de souvenir de moi non-obèse. Enfant, mais surtout adolescent, j'ai vite compris que ce corps était laid, indésirable.
Même aujourd'hui, à l'aube de la quarantaine, je ne trouve pas mon corps beau. Le dévoiler apporte comme un murmure : des petites voix du passé en écho distant. Je dirais que j’y suis devenu plutôt indifférent avec l’estime et le temps : entre autres parce que mon corps, dans le fond, ressemble à tellement d'autres. Des plis, des poils, des bourrelets mais aussi des muscles forts, des os solides, de la peau douce… Tout ce qu’il faut pour goûter, toucher et percevoir le monde, pour donner et recevoir de l’amour et de la tendresse.
-Eric
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Depuis ma puberté, ma mère m’a apprise à ne pas trop dévoiler ma poitrine et de bien faire attention à ne pas porter de décolleté trop plongeant de peur que l’on ne voit « tout », comme elle me disait. Ma mère, comme plusieurs autres femmes, s’est fait balancer le « t’avais qu’à pas porter de shorts trop courtes ». J’imagine que c’est pour cette raison qu’elle m’a « drillé » dans la tête de me couvrir les seins de crainte de subir la même chose. Bref, à ce jour, je ne suis pas à l’aise de dévoiler ma poitrine en maillot de bain.
-Fylicia
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Depuis l’adolescence, j'étais hyper gênée par ma petite poitrine. Je ne me sentais pas féminine : difficile de cacher son absence de poitrine en bikini! En toute transparence, j’ai eu recours à la chirurgie esthétique à mes 28 ans pour me sentir mieux dans ma peau. Ce fut une décision longuement réfléchie et je l’ai fait pour moi. Jamais je n’encouragerais quelqu’un à avoir recours à la chirurgie pour « soigner » ses insécurités. J’pense qu’il y a un gros travail à faire dans la tête avant tout.
-Camille
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[Concernant le dévoilement de mon corps], étant un homme sapiosexuel et hétérosexuel à tendance agnostisexuel, je suis conscient que je vis une situation beaucoup plus simple et confortable que beaucoup d’autres personnes qui, pour différentes raisons, sont sous le joug de pressions sociales, religieuses et autres qui sont beaucoup plus importantes que les miennes.
-Youssef
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J'ai souffert d'anorexie durant deux ans et j'ai mis beaucoup de temps à accepter mon corps. J’ai cheminé depuis ma guérison et je me mets aujourd’hui beaucoup moins de pression face à mon corps : j'apprends à l'apprivoiser et à l'accepter tel qu'il est.
-Kaylah
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Je considère que chaque corps est un « beach body », mais je ne reporte pas cette mentalité à moi-même. Je défends la diversité corporelle, mais pas pour moi. Je suis souvent insatisfaite de mon propre corps, je le critique beaucoup, je l’analyse et le hais souvent, alors que c’est le seul que j’ai, qu’il est en santé, qu’il est fort et qu’il est le mien.
-Catherine
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Les sentiments qui m’habitent quand je mets un maillot sont la honte et la pudeur. Ce sont des principes sur lesquels j'ai été éduqué pendant mon enfance dans une culture où les corps doivent être dissimulés le plus possible. Il y a aussi, évidemment, la peur du regard et du jugement des autres, que mon corps soit perçu comme différent, bizarre ou anormal. C'est un vestige psychologique intériorisé de mon enfance et adolescence, moment où j'étais obèse car mon corps actuel ne s'éloigne pas beaucoup de la « norme ».
-Marouane
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Même lorsqu’on est à l’aise avec son corps, il y a une certaine pudeur à se dévêtir. Petite, j’ai vécu un instant en Amazonie dans une aldeia avec le peuple Yanomami. Les femmes vivaient seins nus et les hommes, très peu habillés. Il n’y avait pas de pudeur par rapport à la peau qui était montrée. Je crois que tout est une question d’environnement et de contexte.
-Amaralina
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Malgré mes nombreux succès en compétition de natation, je ressentais la honte de ma mère en essayant des maillots qui allaient le mieux possible cacher mon petit ventre mou de prépubère et mes grosses cuisses qui se touchaient déjà. Cette honte s'est transformée en rage et en petite rébellion punkette : un gros fuck off aux standards culturels et maternels s'est installé dans mon corps. 20 ans plus tard, je suis encore grosse, mais la honte a cédé la place à la fierté pis le coton ouaté s'est transformé en bikini vert fluo.
-Emmanuelle
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J’ai plus de facilité à dévoiler mon corps dans un contexte d’intimité, de confiance : je trouve cela plus naturel. Se mettre en maillot de bain, c’est souvent un tout autre contexte : c’est devant des inconnus, à la lumière du jour. C’est cru. Le regard des autres me rend anxieuse et je n’ai même pas de vêtements pour me protéger.
-Catherine
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Je me sens la plupart du temps confortable à l’idée de porter un maillot en public. Par contre, j’ai encore quelques réticences à dévoiler mon abdomen : je réfléchis notamment à ce que je mange avant de me mettre en maillot afin d’éviter d’être ballonné. Je n’aime également pas la pilosité de mon dos et je crois que cela a à voir avec le fait que je me suis comparé, en grandissant, aux hommes blancs imberbes qui semblaient être les hommes les plus « désirables ».
-Armun
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Pendant longtemps, j’ai trouvé ça rushant de vivre dans un corps. J’aimais juste mieux ne pas y penser, faire comme s’il n’était pas là. Maintenant, j’essaie d’être bienveillante avec mon corps, de l’aimer dans toutes ses particularités, ses faiblesses, ses limites, ses douleurs. Me faire tatouer, ça a été comme une façon de me dire que ce corps-là existe, qu’il est le mien et qu’il en vaut la peine.
-Stéphanie
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Les réseaux sociaux altèrent mon rapport à la beauté en ce qu’ils l’associent à une certaine éthique de vie. J’ai tendance à en retenir que si j’avais réellement de la discipline quant au sport et à mon alimentation, mon corps ressemblerait à ceux qu’il m’arrive de voir en photos. D’un autre côté, les photos sur Instagram me permettent aussi d’internaliser la validation de corps qui ressemblent au mien, ou qui sont tout simplement beaux indépendamment de leur tracé.
-Salma
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