Description

À partir d’une ethnographie en train de se faire en milieu rural dans le sud de la France, cette contribution analyse les effets de la ruralité sur les expériences d’usage des applications gays de rencontre, telles que Grindr. En se basant sur la géolocalisation et sur une interface de mappage selon la distance et le moment de la connexion (Batiste 2013), les espaces de Grindr sont hybrides (de Souza e Silva 2006) parce qu’ancrés à la fois aux espaces publics et aux espaces privés (et intime) (Rivière, Licoppe et Morel 2015). Les études sur Grindr et ses concurrentes ont souligné la facilité d’accès à la rencontre hors ligne (Yeo et Fung 2018) en milieu urbain. Toutefois notre ethnographie en milieu rural complexifie ses constats et questionne les usages et celle qu’on peut appeler la (non-)rencontre. Pour ce faire, nous allons explorer les tensions entre l’hétéronormativité des espaces (Blidon 2008 ; Borghi 2014) et le contrôle et les contraintes sociaux du monde rural (Renahy 2005 ; Coquard 2019), afin de mieux comprendre l’expérience des utilisateurs. En utilisant le concept de promiscuité respectable (Ahlm 2017) nous pouvons désigner les continuum et le double standard du placard (Sedgwick 2008) s’étendant sur la vie en ligne et hors ligne, produisant une mise à distance des autres utilisateurs. Dans un contexte rural, cette distance s’ajoute à un éloignement géographique qui rend déjà plus compliquée la rencontre. Comme nous pourrons voir, l’usage quotidien ne produira que rarement des rencontres (ou alors jamais : « t’es la première personne que je rencontre »), mais ne désistera pas la connexion des enquêtés et l’espoir d’une rencontre (Bascetta 2015).

par Andrea Zanotti