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Témoignage • Le féminisme, cause du célibat?

14 février 2020
Joëlle Dupuis
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Les témoignages sont des textes produits par des personnes ne provenant pas obligatoirement des disciplines sexologiques ou connexes. Ces textes présentent des émotions, des perceptions et sont donc hautement subjectifs. Les opinions exprimées dans les témoignages n'engagent que leurs auteur.e.s et ne représentent en aucun cas les positions de la revue.

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Lorsque tu es une féministe moindrement militante et que tu as une attirance envers les hommes, inévitablement, on te demande : « Tu n’as pas peur d’intimider les hommes avec ton féminisme? »

Ça, c’est une question qui fait hérisser tous mes poils, même ceux de mes aisselles. Il y a tellement de sous-entendus lourds de sens dans cette question. Le premier, le plus apparent, est que mes convictions sociales et politiques pourraient être jugées négativement par un partenaire masculin potentiel. C’est comme si, par celles-ci, je me mettais moi-même des bâtons dans les roues dans une potentielle recherche de partenaire. Ça, c’est l’aspect de la question auquel il est le plus facile de répondre. Étant donné que j’accorde une immense importance à mes valeurs féministes inclusives et intersectionnelles, il est impossible pour moi de concevoir que je pourrais développer une relation amoureuse envers un homme qui n’a pas ces mêmes valeurs ou, du moins, qui n’est pas prêt à s’éduquer sur le sujet. En ce sens, je suis bien heureuse que mes convictions repoussent certains hommes : le bassin dans lequel je peux trouver un partenaire se retrouve conséquemment réduit, puisqu’un filtrage se fait sans même que j’aie à y mettre tant d’efforts.

Un deuxième sous-entendu est que mon féminisme dérange, que je suis trop féministe et donc qu’il pourrait être difficile pour un homme d’être en couple avec moi. Honnêtement, je trouve que cette idée est vraiment réductrice pour les hommes. Quand on me dit « tu vas intimider les hommes », j’entends « aucun homme ne pourra se sentir bien à tes côtés ». Comme si un homme ne pouvait pas s’épanouir dans une relation où sa partenaire est forte et indépendante. Comme si les hommes n’étaient pas capables de faire face à une femme qui remet en question leurs conceptions et leurs actions et qui adopte un rôle actif dans la relation. Comme si leur masculinité était si fragile qu’elle pouvait être menacée par la force d’une femme. Selon moi, il s’agit d’une infantilisation des hommes ainsi que d’une incapacité de concevoir qu’ils peuvent grandir dans une relation où leurs expériences sont mises à l’épreuve. C’est de vouloir laisser les hommes dans un cocon douillet où ils ne sont jamais brassés ni exposés à des réalités différentes des leurs. Messieurs qui lisez ceci, j’ai en vous une confiance immense que vous pouvez dégager énormément de positif et apprendre de rencontres et de relations avec des femmes féministes.

Il y a toutefois un troisième sous-entendu dans cette question qui vient me chercher encore plus que les autres : l’impératif de trouver un partenaire et d’être en couple. C’est exactement ce qui se cache derrière la fameuse question détournée par le féminisme : tu dois te trouver un partenaire et, par ton féminisme, tu te rends la tâche plus difficile. Pourquoi est-ce que je dois absolument trouver un partenaire? Pourquoi est-ce que je dois être en couple? Le message que je reçois lorsque j’entends cette question, c’est que je ne serai jamais complètement heureuse si je ne suis pas accompagnée. Cela voudrait donc dire que, par moi-même, je ne pourrai jamais être épanouie, que j’ai besoin d’une autre personne afin de pouvoir être bien, que ma personne seule n’est pas suffisante. Je ne suis pas suffisante.

Sauf que je refuse de penser que je ne me suffis pas.

Qu’on ne se trompe pas, je n’ai rien contre le couple à proprement parler. Je considère que les relations égalitaires et saines peuvent apporter énormément aux individus et qu’elles peuvent permettre une certaine forme de développement et d’épanouissement personnels. Cependant, j’ai beaucoup de difficulté avec la croyance socialement véhiculée qu’être en couple prévaut sur le célibat, qu’être seul.e est une situation à rectifier au plus vite. D’ailleurs, lorsqu’une personne vit une rupture, il n’est pas rare d’entendre des propos conseillant de prendre du temps avant de rencontrer quelqu’un d’autre. C’est comme si, du moment où se termine une relation, il faut vivre son deuil dans le but d’en recommencer une autre. Parce qu’être célibataire n’est pas une réelle option. On ne choisit pas le célibat, on le subit. C’est la période transitoire entre deux relations, la période indésirable que nous n’avons pas le choix de traverser avant de passer au couple qui, lui, est souhaitable.

Redéfinissons notre vision du célibat. Valorisons-le. Donnons-lui une connotation positive. Concevons-le comme un moment ouvrant la porte à l’épanouissement et au développement de soi. Le célibat permet la rencontre de soi, d’apprendre à se connaître. Il nous donne l’espace et le droit de ne penser qu’à soi-même. Le célibat est une occasion d’apprendre à aimer notre propre personne et, s’il y a bien une personne que je suis sûre d’aimer pour le reste de ma vie, c’est moi.

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D'autres témoignages sont disponibles dans le dossier « Célibat. Vers une redéfinition positive ». N'hésitez pas à consulter le dossier en entier pour en connaitre plus sur cette réalité.

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