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L'industrie des jouets érotiques est devenue un incontournable dans la sphère sexuelle du XXIe siècle. Selon une étude du Centre pour la promotion de la santé sexuelle de l'Université d'Indiana datant de 2009 et basée sur les réponses de 2056 femmes et 1047 hommes âgé.e.s de 18 à 60 ans, près 53 % des femmes et 45 % des hommes utiliseraient ou auraient déjà utilisé un vibrateur seul.e ou avec leur partenaire (Indiana University, 2009). Toutefois, l'utilisation de certains de ces objets n'est pas sans danger pour la santé de l'utilisateur ou de l'utilisatrice.
Cependant, cette problématique est peu discutée dans la sphère publique. D'une part, c'est un sujet guère traité en raison de la nature intime associée aux jouets érotiques. D'autre part, les gros joueurs de l'industrie préfèrent garder le silence afin de maintenir leurs méthodes actuelles de production qui leur rapportent gros. Par conséquent, il y a encore du progrès à faire avant de discuter sur la scène publique des produits toxiques dans les jouets érotiques. Par conséquent, la population générale, les professionnel.le.s ainsi que les agences de santé publique ont un chemin immense à faire afin d'être au fait de la toxicité de certains produits de cette industrie.
Malgré tout, je crois qu'il est essentiel pour les professionnel.le.s de la santé sexuelle et de la santé pelvienne d'en savoir un peu plus sur cette réalité. En tant qu'entrepreneure et fondatrice d'une compagnie spécialisée en accessoires d'intimité, j'essaierai donc de vous transmettre le plus succinctement possible tout ce que j'ai appris sur les produits toxiques dans les jouets érotiques.
De la grotte à l'usine de production de masse
Il est facile de confondre l'histoire du vibrateur avec celle des jouets érotiques. Les jouets érotiques font partie du quotidien de l'humanité depuis plusieurs millénaires. On peut d'ailleurs retrouver des traces de jouets érotiques en pierre datant de l'époque paléolithique supérieure. Un godemichet fait de siltite, vieux de plus de 28 000 ans, se trouvait dans l'exposition The Institute of Sexology présentée par le Musée Wellcome Collection de Londres en 2014-2015 (BBC News, 2005).
En février 2016, le magazine de design industriel Core77 a d'ailleurs consacré tout un article à l'évolution des différents accessoires érotiques à travers les âges : Sex Toys: A Short Version of a Rather Long History - They've been around a lot longer than you might think... Dans cet article, on explique que, jusqu'à la révolution industrielle, ces objets étaient fabriqués comme tous les autres objets utilitaires, c'est-à-dire à la main avec les matériaux accessibles, soit la pierre, le bois, la céramique ou tout autre matériau facilement malléable (Core77, 2016).
Le vibrateur, ouvrant la porte aux jouets érotiques mécanisés, est apparu beaucoup plus récemment. Il a été inventé pour les médecins à l'ère victorienne, une époque où « l'hystérie » féminine faisait des ravages dans la société occidentale. En pleine révolution industrielle, il était évident que même ces objets intimes seraient emportés dans le tourbillon de la mécanisation. Les jouets érotiques ont donc évolué vers des machines produites en industrie avec des matériaux génériques tels que l'acier et le caoutchouc naturel (Maines, 1999). L'historienne Rachel P. Maines a d'ailleurs écrit un livre complet sur l'invention du vibrateur intitulé The Technology of Orgasm - "Hysteria" The vibrator, and Women's Sexual Satisfaction (Maines, 1999).
Plus récemment, la production des jouets érotiques a subi une autre transformation majeure : la production de masse. Comme plusieurs autres industries, la fabrication de ces objets a été transférée en Asie afin d'en réduire les coûts de production. En effet, près de 70 % de la production mondiale de jouets érotiques en 2005 était localisée en Chine (The Guardian, 2005). Dans cet esprit de diminution des coûts, plusieurs manufactures ont décidé d'utiliser les matériaux les moins coûteux ou de diluer des matériaux plus nobles avec des additifs. Dans le cas des jouets érotiques, les additifs les plus utilisés sont les phtalates (Taormino, 2009). Ces additifs plastiques préoccupent la Société canadienne du cancer. En effet, cette dernière examine actuellement les potentiels effets cancérigènes des phtalates. De plus, la Société canadienne du cancer catégorise ces produits comme « perturbateurs endocriniens » (Société canadienne du cancer, 2016).
Les phtalates
Les phtalates sont des additifs plastiques généralement utilisés pour rendre des plastiques plus mous et flexibles. Avec le temps, ces additifs se dissocient du mélange et suintent à la surface de l'objet. C'est cette réaction qui explique l'odeur « de voiture neuve » dans certains objets plastiques. Les phtalates peuvent parfois créer des réactions allergiques chez certaines personnes. Toutefois, en règle générale, l'effet des phtalates n'est pas discernable. Ces particules agissent un peu comme le plomb, c'est-à-dire qu'elles s'accumulent dans le sang et c'est cette accumulation qui est dangereuse. Une fois dans le système sanguin, ces particules plastiques sont redirigées vers les organes génitaux et s'agglutinent sur ceux-ci, les atrophiant à la longue (CDC, 2015; Health care Without Harm, 2002).
Chez la femme, cet effet est encore plus pervers, car les phtalates peuvent être transmis au fœtus. En mai 2005, une étude sur 346 mères a été effectuée afin de mesurer l'impact des phtalates sur le développement de leur fœtus. Selon les conclusions de l'équipe, la présence d'un taux élevé de phtalates chez la mère atrophie et handicape le développement des organes génitaux chez les fœtus mâles (Swan et al., 2005). Par le fait même, ces additifs sont déjà interdits dans les jouets pour enfants. Pourtant, aucune réglementation du genre n'est en vue pour les produits pour adultes (INSPQ, 2014).
Les surfaces non hygiéniques
Certaines manufactures utilisent des matériaux plus « accessibles » afin de réduire leurs coûts de production et d'augmenter leur profit. Toutefois, ces matériaux tels que le PVC ou « jelly » sont des matériaux poreux en plus de contenir régulièrement des phtalates. Des matériaux poreux ont un fini de surface similaire à celui d'une éponge, c'est-à-dire que la surface de l'objet n'est pas scellée. Avez-vous déjà tenté de nettoyer et désinfecter une éponge? Mission impossible.
Ces matériaux se retrouvent généralement dans les jouets érotiques plus « abordables ». Ces jouets dont la surface est poreuse sont dangereux pour la santé, car il est impossible de les nettoyer entre les utilisations ou encore s'ils sont partagés entre partenaires (Taormino, 2009).
L'éthique de la manufacture
Mon expérience comme entrepreneure et fondatrice d'une compagnie de jouets érotiques m’a permis de constater que certaines manufactures tentent de diminuer l'impact néfaste de leurs produits en incluant des indications dans les manuels d'instruction. On y trouve notamment des mises en garde telles « Pour utilisation externe seulement », « À utiliser avec un condom » ou « À utilisation unique ».
Toutefois, la plupart des utilisateurs et des utilisatrices ne consultent pas l'ensemble du manuel d'instruction fourni par la manufacture. De plus, le personnel de vente en boutique n'est pas informé des différentes précautions concernant l'ensemble des produits de leur inventaire.
Cette attitude de déresponsabilisation éthique de la manufacture s'applique aussi dans les produits nettoyants vendus en guise de complément aux jouets érotiques.
En somme, gardez seulement en tête que l'industrie érotique et tous les accessoires connexes tels que les nettoyants, lubrifiants et huiles de massages ne sont pas réglementés.
Le corps sans ses défenses naturelles
Les produits tels que les phtalates et les matériaux moins hygiéniques posent un plus grand problème encore lorsqu'ils composent des objets conçus pour une utilisation interne. Normalement, la peau sert de barrière de protection contre les contaminants. Toutefois, dans le cas du vagin ou de l'anus, les produits dangereux sont directement en contact avec les muqueuses, ce qui leur donne un accès privilégié au système sanguin (U.S. National Library of Medecine, 2016).
Tel que mentionné précédemment, le corps ne réagit pas instantanément au contact des phtalates. C'est l'utilisation répétée des produits dangereux qui crée le plus de dommages. Malheureusement, la plupart des gens utilisent les mêmes jouets érotiques pendant plusieurs années (Health Care Without Harm, 2002).
Comment s'y retrouver
Tout espoir n'est pas perdu! Selon mon expérience dans le domaine des jouets érotiques et ma quête constante pour des produits plus sains et responsables, j'ai découvert que certaines manufactures utilisent déjà des matériaux « biocompatibles ». Ces matériaux sont complètement inertes et sans danger pour la santé. De plus, au cours des dernières années, certaines boutiques ont pris conscience de cette problématique et proposent des sélections de produits « sans phtalates » ou refusent complètement de vendre des jouets toxiques.
Afin de s'y retrouver dans tous ces matériaux toxiques et sécuritaires, j'ai créé une infographie qui vous permet d'identifier rapidement si un jouet est fabriqué avec un matériau respectueux ou non.
À noter que les manufactures ne sont toutefois pas obligées de divulguer les ingrédients ou les composantes de leurs produits... C'est pourquoi il est important de privilégier les manufactures transparentes quant à leurs méthodes de fabrication.
Pour les curieux et curieuses, plusieurs vidéos et documentaires sur le sujet sont accessibles sur YouTube. Il vous suffit de chercher les mots-clés suivant : « phtalates », « perturbateurs endocriniens » ou « endocrine disruptors ». D'ailleurs, La Grande Invasion - Documentaire de Stéphane Horel pour France 5, 2010 est un excellent documentaire disponible sur YouTube.
Je vous conseille aussi d'aller lire le billet sur le sujet fait par le Kinsey Institute.
Pour citer cette chronique :
Deslauriers, I. (2016, 29 novembre). Ces jouets toxiques. Les 3 sex*. https://les3sex.com/fr/news/250/chronique-ces-jouets-toxiques-
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